Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





14 juin 2015

Quelle cadence de tir pour le porte-avions ?

© Inconnu. Le CVN-78 Gerald R. Ford.
"L'instrument principal de combat a changé, mais la doctrine est fondamentalement restée la même."
Hervé Coutau-Bégarie, Le problème du porte-avions, Economica, 1990, p. 22

Le porte-avions, à bien des égards, a remplacé le cuirassé dans les marines de guerre, tant du point de vue opérationnel, le navire autour duquel s'articule toute la flotte, que sous l'angle symbolique puisqu'il incarne l'empire des mers. Les contraintes pesant sur la vitesse du porte-avions sont différentes du celle du cuirassé en ce sens que la batterie principale, le groupe aérien embarqué, est par nature plus véloce que n'importe quel navire existant, là où le navire de ligne devait pouvoir engager un adversaire ou dérober devant lui.

Après cette dissemblance, nous pouvons poser la question d'une ressemblance : la cadence de tir, prélude à la question de la salve et de sa portée. Terrible débat au temps des cuirassés quand, par exemple les amiraux et stratégistes se battaient pour déterminer s'il fallait privilégier la cadence (artillerie bi-calibre de 240 et 305 mm) ou la portée (artillerie monocalibre de 305 mm). Les uns, dont l'amiral Alfred Thayer Mahan, répondirent la cadence, quand les autres, comme John Arbuthnot "Jackie" Fisher , privilégièrent la portée. Le Dreadnought trancha, en partie avec l'appui des combats navals de la guerre russo-japonaise (1904-1905).

Un porte-avions est une base aérienne mobile sur deux niveaux : la plateforme aéroportuaire correspond au pont d'envol, avec ses taxiways, parkings, pistes de catapultage et d'appontage. Dessous, nous trouvons les hangars où sont stockés les aéronefs, accessibles depuis les ascenseurs. Dès lors, les ingénieurs, comme nous pouvons le deviner, s'échinent à faire coexister ces différents espaces au sein d'un même bateau. À bord de ce bateau, la cadence de tir se matérialise sous trois angles : 
  • la gestion des flux à bord du navire, 
  • la capacité à catapulter et faire apponter des aéronefs, 
  • la cadence de tir qui en découle. 

La gestion des flux à bord du navire

Des bases aéronavales jusqu'aux porte-avions en passant par les unités logistiques, les flux d'hommes, d'aéronefs, de munitions, de carburants et de matériels divers doivent être optimisés au maximum pour tirer les capacités opérationnelles au plus haut. Par exemple, la marine américaine développait depuis les années 1980 un modèle alliant polyvalence des aéronefs et simplification des circuits logistiques :

Le parc des aéronefs embarqués s'est réduit autour des F-18 E/F Super Hornet, EA-18G Growler, des E-2C et D Hawkeye, C-2 Greyhound et l'hélicoptère S-70 en ses différentes versions. Soit 4 plateformes déclinées en plusieurs besoins là où les groupes aériens embarqués précédents représentaient près du double.

Il en découle une simplification des flux logistiques : moins de type d'aéronefs, c'est moins de pièces détachées différentes, donc moins d'espaces de stockages différenciés et de colis différents à gérer entre les navires, etc.  Le nombre de normes différentes diminuent. Ce qui vise aussi à accélérer la cadence à double titre : lors des ravitaillements et lors de la reconfiguration des appareils pour le lancement d'une nouvelle salve.

La capacité à catapulter et faire apponter des aéronefs

La cadence de tir se mesure en sorties aériennes journalières : le nombre d'aéronefs qui peuvent être catapultés dans la même journée.

Les aéronefs sont amenés du hangar au pont d'envol via les ascenseurs. La vitesse de ces machines et leur capacité à soulever "x" tonnes est donc déterminante. L'exemple du changement de génération du Clemenceau au Charles de Gaulle est une bonne illustration de l'impact du passage d'appareils majoritairement monoréacteur de la classe des 10-15 tonnes à des biréacteurs de la classe des 20-25 tonnes. Les deux ascenseurs du premier navire (2 x 15 tonnes, un avion) ne sont plus suffisants et deviennent deux élévateurs bien plus imposants (2 x 36 tonnes, deux avions).  

Remarquons que ces ascenseurs sont placés en face des catapultes pour économiser gagner sur le temps de roulement entre le hangar et les catapultes. Dans le cas américain, il y a généralement de trois à quatre ascenseurs dont souvent deux disposés à proximité immédiates des catapultes. 

 Par contre, il est relativement difficile d'illustrer la gestion des catapultages et des appontages car cela dépend des pontées à lancer et réceptionner. Nous vous proposons la citation suivante qui donne une bonne image des choix à la disposition du commandant : 

"Le Charles de Gaulle est à même de mettre en œuvre 35 à 40 aéronefs de la classe 20/25 tonnes. Les installations aviation permettent 100 vols de combat par 24 heures pendant 7 jours, par pontées massives de 20 à 24 avions, renouvelables toutes les 4 heures ou par pontées enchaînées de 4 à 8 avions toutes les 1h 30 environ."
L'avenir du groupe aéronaval : La nécessité d'un second porte-avions, sénateur André BOYER, Rapport d'information 358 (1999-2000) - Commission des Affaires étrangères, Sénat.

D'autres sources évoquent une capacité plutôt de l'ordre de 80 sorties aériennes par jour à bord du PAN quand la classe Nimitz est donnée pour 120. Ce qui paraît plus logique au regard des caractéristiques des deux types de plateforme et de leurs installations aéronautiques. Il serait question d'atteindre, grâce aux catapultes électromagnétiques, un rythme journalier de 160 sorties sur les Gerald R. Ford.

Enfin, l'un des facteurs difficilement observables est l'apport crucial du personnel du groupe aérien embarqué, presque aussi important que l'équipage du porte-avions en nombre de femmes et d'hommes.


La cadence de tir soutenable dans la durée 

Hervé Coutau-Bégarie, sauf erreur de notre part, ne dit pas un mot sur la cadence de tir dans Le problème du porte-avions. Surprenant puisque cette caractéristique était l'un des points cardinaux d'un bon cuirassé. 

Les Clemenceau et Foch rencontrèrent les limites de leurs catapultes au nombre de "coups" limité. Pendant l'opération Balbuzard, le commandant du Clemenceau préféra débarquer les intercepteurs, les F-8 Crusader, pour réserver le potentiel des catapultes aux avions d'attaque. C'est tout l'intérêt de poser la question de la nature de catapultes et de leur nombre. Deux est un minimum pour éviter qu'un coup malheureux rende inopérable une unique catapulte. C'est certainement un gain de poids à l'image du paradigme de la tourelle quadruple pour les cuirassés. Mais trois ou quatre catapultes, c'est peut-être aussi plus de souplesse dans la gestion du potentiel et de sécurité dans la capacité à durer. La France revenait aux cuirassés à trois tourelles dans les années 1940. Un signe ?

Pour soutenir un rythme élevé d'opérations aériennes pendant plusieurs mois, le navire doit disposer de réserves suffisantes en combustibles, munitions, hommes et pièces de rechanges. Il doit pouvoir durer un certain nombre de jour sans ravitaillé. D'où l'importance des volumes dédiés à bord au stockage de ces consommables. Ce qui renvoie à nos considérations logistiques puisque le train d'escadre doit pouvoir faire rapidement la noria entre le point d'appui logistique et le théâtre des opérations, ainsi que transférer aussi rapidement que possible le ravitaillement pour réduire le temps d'exposition du groupe aux agresseurs.

Considérations qui réduisent, de facto, la différence entre propulsions classique et nucléaire puisque les facteurs contraignants pour les opérations aériennes sont les hommes et le matériel, non pas la mobilité stratégique du groupe.

La cadence de tir de la salve du porte-avions est une qualité exigeante qui entraîne toute la logistique et est l'une des contraintes fondamentales dans la conception du navire. La cadence recoupe les considérations sur la vitesse. Cette qualité peut-être un facteur déterminant dans un combat aéronaval ou une campagne aérienne face à d'autres formules comme les porte-aéronefs STOBAR ou STOVL. Reste à déterminer si la capacité "catapo" (catapultage et appontage simultanée) vaut la plateforme, plus grande, qui en découle.

1 commentaire:

  1. Avant de parler de cadence de tir, ne vaudrait-il pas mieux parler de mission? Quels besoins pour quelles missions?
    Un point est étonnant, la capacité de CDG à accueillir une quarantaine d'avions. Mais de fait, on peut parier sur 2sorties/jour/avion durant une courte durée, mais ensuite, il faut plutôt parier sur 1,5 car les avions ont aussi besoin d'entretien et les pilotes de repos. Je ne me fait donc pas trop de soucis sur la capacité actuelle des PA à catapulter des avions. En revanche, la principale limite est à mon sens le nombre d'avions embarqués et de pilotes disponibles.
    La question des principales missions des PA serait aussi intéressante. Défense d'un groupe aéronaval? Intervention vers la terre? ...

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