Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





21 avril 2014

La réforme territoriale et la Mer

http://www.lepoint.fr/images/2012/01/20/484353-jpg_330285.jpg© Antoine Grumbach et Associés.

Introduction
 
A l'occasion de son discours de politique générale (8 avril 2014), le premier ministre Manuel Valls annonçait une réforme territoriale d'ampleur :
  • diviser par deux le nombre de régions métropolitaines,
  • supprimer les conseils généraux comme collectivité territoriale (mais pas le département ? Le débat est lancé).
De mémoire, c'est un sujet qui est souvent discuté dans des rapports et les déclarations plutôt qu'annoncé dans un tel discours. A cette occasion, Géographie de la ville en guerre nous a trouvé une histoire des régions en France.
Passons sur le fait que cette réforme ne serait que cosmétique si elle n'abordait pas la question de la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales. Tout comme la question de l'avenir du département ne sera pas non plus abordée.
 
C'est l'occasion de proposer une vision maritime de la construction régionale (métropolitaine).
 
Sans trop nous répéter, depuis 1989 la France n'observe plus de danger à ses frontières continentales européennes qui menacerait son existence. De facto, l'Union européenne est l'équivalent des "Longs murs" de l'Antique Athènes. Ainsi protégée, la France peut intégralement se projeter dans l'Océan pour devenir l'Archipel France. Ce fait géostratégique majeur ne peut être ignoré, en particulier dans la mesure où ce sont "souvent" (en théorie plutôt) les régions qui administrent ports, aéroports, routes et politique économique des collectivités territoriales).
 
 
http://upload.ouestfrance.fr/ouest-france.fr/jpg/scenario2bis.jpg
 
Il n'est pas aisé (ou pas possible) de trouver une définition de ces régions "plus grandes", adaptées à la concurrence européenne et à la mondialisation. Par exemple, le rapport du comité Balladur est assez lapidaire et sa lecture n'a pas donné souvenir à l'auteur de ces lignes d'une quelconque définition ou d'un schéma directeur.
 
C'est peut-être pourquoi la France à 15 régions est assez peu convaincante (précisions que ce rapport ne propose pas cette carte). Le redécoupage qui a circulé est une magnifique démonstration de l'esprit continental : l'accès aux ports et aux façace maritime ne semble pas être un enjeu. Le nombre de régions enclavées (autant vis-à-vis de la mer que de l'Union européenne : du commerce en somme dans une France en perte de vitesse industrielle) est surprenant par rapport aux autres débats nationaux (sur l'industrie, à tout hasard).
 
Des régions pour quoi faire ?
 
De ce que nous pouvons lire des différentes propositions qui circulent dans la presse, outre ces deux objectifs, il s'agit de considérer :
  • l'identité (dans une certaine mesure),
  • les bassins de vie,
  • de donner une assise territoriale aux métropoles,
  • la cohérence économique et territoriale.
L'avenir "géopolitique" (le terme est-il le bon ?) des métropoles, tel que dépeint par Jacques Attali ("Les (hyper) métropoles vont supplanter les nations"), laisse apparaître l'enjeu de leur donner l'espace nécessaire à leur développement tout comme la nécessité de les dominer politiquement.
 
Loin de ces considérations, il apparaît, de l'ancien premier ministre Dominique de Villepin à l'actuel qu'en plus de ces objectifs, il est recherché de les concilier avec la concurrence européenne et la mondialisation :
  • c'est une reconnaissance d'un défaut de masse critique des régions (par rapport aux départements, aux enjeux économiques et à la concurrence) pour peser en Europe et dans le monde ;
  • tout comme il est reconnu, gauche comme droite, qu'il est nécessaire de s'adapter à la mondialisation, donc à la maritimisation du monde (en attendant de s'adapter aux questions liées au cyberespace ?).
 
Paris : une capitale pour la mer ?
 
Un dernier objectif, bien particulier est celui de prendre en compte l'assise maritime de Paris. Napoléon dit un jour que "Paris, Rouen, Le Havre, une seule ville dont la Seine est la grande rue". C'est un axe de développement qui a été repris dans l'un des projets d'archiectecte du Grand Paris (avec deux siècles de retard, soit dit en passant)
 
Axe de développement incontournable si Paris souhaite demeurer une ville-monde face aux autres villes qui n'ont pas tourné le dos à la mer et qui ont un port de stature internationale. Le problème de la Seine est que sa partie maritime ne dépasse pas Rouen. Après cette ville, la navigation commerciale n'est là que pour le ravitaillement de la capitale, déconnectée de la mer. Ce qui oblige à forcer le caractère maritime du fleuve jusqu'à Paris.
 
Mais ce serait trop peu de s'arrêter à une simple construction reliant Paris à la mer. Il s'agit également de relier la capitale de la France :
  • aux ports du Nord et donc à Lille, le centre économique (qui doit influencer Anvers),
  • aux ports de l'Ouest et à leur centre économique : Nantes,
  • à Bordeaux et son port,
  • à Marseille qui doit regagner son hinterland jusqu'à Lyon,
  • aux canaux européens.
 
Une prise de conscience maritime ?
 
http://www.lefigaro.fr/assets/infographie/print/1fixe/2014_15_redecoupage-region.png
 
La proposition d'une France à dix régions a été le délencheur d'un mouvement de prise de conscience maritime. Par exemple : Paris est relié à la Normandie, la façade méditerranéenne est unie, l'Aquitaine trouve une assise historique et la Bretagne s'étend de Nantes à Cherbourg quand Strasbourg et Lille possède une grande assise territoriale pour l'Europe.
 
Néanmoins, Lyon et Toulouse demeurent enclavées. L'Ile-de-France devient un tel bassin de vie que nous pourrions croire que les échecs des politiques des transports et du logement sont la seule chose qui passionne le développement économique de Paris.
 
En réaction à cette carte, sursaut des idendités et d'autres projets, le président de la région Haute-Normandie propose, avec l'aval des présidents des régions Basse-Normandie et Picardie, de constituer une grande région maritime de Cherbourg à St Valery (ville d'où est parti Guillaume le Conquérant). Bourgogne et Bourgogne (la Franche-Comté est l'enfant du Comté de Bourgogne) proposent de fusionner.
 
http://www.leparisien.fr/images/2014/04/11/3760607_carteregions.jpg
 
Il y a, enfin, la carte révélée par Challenges qui serait celle trônant sur le bureau du premier ministre. Que faire ?
 
Des régions maritimes pour la France ?
 
Premièrement, l'enjeu des métropoles et du réseau de ville les entourant est un très bon révélateur des ensembles à coiffer par des régions. Une carte des aires urbaines (selon l'INSEE) de la France européenne révèle aussi des axes économiques.
 
http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/sites/default/files/images/Fr_carteZAU.jpg
 
Avec tous ces éléments, il nous est donc possible de proposer modestement un découpage régional prenant en compte l'ensemble des facteurs et des objectifs :
 
Carte-11-regions.png
 
La plus grande originalité de cette carte est de proposer la fusion des régions Rhône-Alpes et PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il semble logique d'associer Lyon et Marseille pour que le port méditerranéen gagne la place qui devrait être la sienne. Grâce une politique entre les deux métropoles, Marseille pourrait reconquérir son hinterland (alors que Lyon s'approvisionne plutôt aux ports du Nord de l'Europe). Une seule grande rue orienterait tout le développement régional. Cette région équilibrerait celle de la "Grande Normandie".
 
L'Aquitaine et le Languedoc-Roussillon se construisent autour de Bordeaux et Toulouse, ce qui permet de drainer tous les territoires alentours afin de les orienter vers la mer et le commerce.
 
La Bretagne fusionne avec les Pays de la Loire pour construire une région capable de coiffer Nantes et Rennes (dont les territoires périurbains se toucheront vers 2030-2040). Deux villes qui ne cesseront de travailler avec Angers et Le Mans.
 
Bourgogne et Bourgogne fusionnent ensemble tout comme Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes. Deux grandes régions qui serviront d'interface entre la France métropolitaine et l'Europe.
 
Nord-Pas-de-Calais et Picardie fusionne pour construire un couloir allant de Paris à Lille pour ouvrir sur Londres et l'Europe du Nord.
 
L'Auvergne et le Centre deviennent un hyercentre qui serait autant une interface au coeur de la France européenne qu'un couloir alternatif à celui longeant le Rhône.
 
Enfin, L'Ille de France, la Normandie avec le département d'Eur-et-Loire se rapproche pour construire une grande région qui sera capable d'orienter Paris jusqu'au Havre et de profiter des différents axes de développement métropolitain, de Paris vers les ports.
 
 
La France européenne, tournée vers la Mer, se construirait comme puissance thalassocratique grâce à la résultante de puissances potamiennes...
 

17 avril 2014

BSAH = BMM ?

© Piriou. La proposition de Kership (Pirou et DCNS) pour le marché des trois B2M.


C'est officiel, la DGA lance un nouvel appel d'offres pour le programme BSAH. Le Partenariat Public-Privé a échoué (il était évoqué une enveloppe d'un milliard sur "x" années pour huit navires, raison de l'échec de la formule) et cela n'inquiète pas outre mesure pour un projet immobilier situé dans Paris intra-muros (car derrière les murs, les barbares).

15 avril 2014

Renforcer la puissance navale française ? Vers l'avènement du canon planétaire

© Inconnu. Création d'artiste présentant une tourelle double de canons électriques à bord d'un destroyer de l'US Navy.

Le canon électromagnétique fonctionne selon un un principe qui est "voisin de celui d'un accélérateur de particules car il convertit de l'énergie électrique en énergie cinétique d'un projectile en mettant à profit la force Laplace produite par l'action de champs magnétique et électrique" (pages 192-193). Le fonctionnement et les programmes menés pour développer cette technologie sont très bien expliqués dans le livre du directeur de recherche émérite au CNRS Bernard Fontaine (qui avait été interviewé par Mars Attaque pour AGS) : Les armes à énergie dirigée : mythe ou réalité ? (éditions L'Harmattan, Paris, 2011).

14 avril 2014

Communication 2.0 : LEGO et jeux vidéo

© Maarten Verschueren. Le HMS Victory, vaisseau amiral de l'amiral Nelson à la bataille de Trafalgar, en LEGO.
Quelle surprise de découvrir que le célèbre jeu de construction à base de briques a fait naître une nouvelle manière de construire des maquettes ! Entre les constructions réalisées "en vrai" et celles qui n'ont pas quitté le logiciel prévu pour modéliser ses idées, il y en a pour tout le monde : vaisseau de 74 canons, cuirassés des première et seconde guerre mondiale, frégates des marines à voile ou à vapeur, chasseurs, chars, etc... Dans le cadre de ce billet, seules les "maquettes" LEGO trouvées sur le site MOC Pages  seront abordées.


13 avril 2014

Du drakkar au drakkar ?

 
 http://m1.menly.fr/wp-content/uploads/2013/06/Le-drakkar-de-Ragnar-et-ses-compagnons.jpg
  © Inconnu. Le drakkar de Ragnar et de ses hommes, série "Vikings".
 
   
1) Quel avenir pour les frégates légères ?
 
 
Le programme Littoral Combat Ship de l’USNavyn’est pas ou plus une démonstration de forces. Du côté du coût, il y a de quoi s’interroger sur la pertinence d’un concept : il a atteint deux fois et demi le devis initialement prévu. Comment traduire cet échec ? Un LCS de 3000 tonnes nécessite un budget une fois et demi supérieur à celui d'une FREMM de 6000 tonnes… 
 
La marine danoise avait en son temps retiré du service le système STANFLEX : de l’autre côté de l’Atlantique, le deuil n’est pas encore fait…
 
Existe-il encore des raisons d'espérer que cette vision de la modularité puisse se concrétiser ? 
 
 
2) La frégate amphibie ?
 
 
Le journal Le Marin ponctuait l'article ci-dessus (à propos du fait que la marine américaine recherche un nouveau navire pour succéder au LCS)  sur une note d’ironie : l'US Navy, à la recherche d’une nouvelle unité légère, réinventera bientôt l’aviso A69 de 1200 tonnes…
 
A la remarque près que de nombreux industriels et bien des marines (à l'instar des Pattugliatore d’Altura Multirolo de la Marine militare)  succombent à la mode de la “frégate amphibie”. Armée comme une frégate légère pour se défendre dans les trois dimensions navales (sur, sous et au-dessus de la mer), la première frégate amphibie est l'Absalon… Qui est (encore) une création danoise !
 
Cette frégate est conçue pour mener des missions d'AVT avec la capacité de se défendre par ses propres moyens dans des scenarii de conflits de basse et moyenne intensité. Petite unité amphibie, elle doit pouvoir mettre une force à terre. Pouvant embarquer une grande cargaison grâce à la capacité de manipuler des conteneurs et à des capacités de commandement, la frégate amphibie doit pouvoir soutenir sa force aéroterrestre, la faire durer et disposer d'une certaine influence sur son environnement.
 
A l’heure où la série “Vikings” est diffusée, faudrait-il s’interroger sur le concept de drakkar et des forces terrestres associées qui firent la gloire et la fortune des hommes du Nord ?
 
La frégate amphibie ne manquera pas de faire penser à ce concept. Sauf que le système d'armes des vikings était capable de remonter les fleuves. Et remonter des fleuves à la navigabilité incertaine, voire improbable en raison de leur faible profondeur, serait un atout stratégique indéniable : ce serait comme si une "frégate" de la Marine nationale avait remonté le fleuve Niger pour se rendre au Mali pendant l'opération Serval.

25 mars 2014

Mer Noire : "La puissante et fragile République de Transdniestrie"

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La République de Transdniestrie (aussi appelée Transniestrie ou Pridnestrovie (en russe) est d’une exiguïté territoriale remarquable. Constituée d’une bande de vingt kilomètres de large pour un peu plus de deux cents de long, la Transniedstrie se développe tout le long du fleuve Dniest entre la Moldavie et l’Ukraine.

 

La Moldavie comme la Gagaouzie et la Transdniestrie partagent une histoire commune depuis que la Bessarabie a été rattachée à l’Union soviétique. Dans le cas de la Transdniestrie, plus de 60% de la population de ce pays est russe ou ukrainienne.

 

 

Pendant la présidence Gorbatchev, et entendant la volonté de réformer l’URSS, les Moldaves demandent la reconnaissance de l’identité roumaine et le retour à l’alphabet latin. A la chute de l’URSS, la République de Moldavie proclame son indépendance le 27 août 1991. Décision reconnue par la Roumanie. Le grand voisin est très proche de la nouvelle entité politique sur les plans culturel et linguistique. Il y a également le projet de rattacher la Moldavie à la Roumanie.

 

 

C’est de cette convergence autour de l’identité roumaine que la divergence avec les Gagaouzes et les Transdniestriens voit le jour.

 

 

Les Russes noyautaient le pouvoir en Moldavie. A l’indépendance retrouvée, la politique moldave à l’égard des Russophones fut radicale. Des manifestations ont rapidement éclaté et la situation s’est enflammée.

 

Dès décembre 1991, la Transniedstrie proclame son indépendance. Cette dernière veut protéger son particularisme linguistique et préserver le souvenir de l’URSS malgré le refus soviétique de reconnaître son identité. En 1992, le conflit éclate entre le jeune Etat de Moldavie et celui sécessionniste de Transdniestrie.

 

La guerre dura six mois entre Moldaves et Transdniestriens. Selon les estimations courantes elle causa un millier de victimes. Les Transdniestriens, soutenus par la Russie, prirent le contrôle de la rive gauche du Dniepr. Cette portion du territoire moldave concentre alors 80% des industries du pays, l’arsenal de Colbasna et la centrale hydroélectrique de Dubăsari

.

 

La Moldavie a conservé l’intégrité de son territoire. Lors de l’accord de cessez-le-feu signé en juillet 1992 entre Boris Eltsine et son homologue moldave Mircea Druc, ex-leader du front populaire qui a libéré son pays du joug communiste, la Transdniestrie s’affranchit du pouvoir central concentré à Chisinau, capitale de la Moldavie. Elle bénéficie désormais d’une forte autonomie qui permet de régler temporairement la situation de ce territoire sans résoudre pour autant le problème de fond.

 

 

Tiraspol, capitale de la Transdniestrie est de facto indépendante. Entité politique viable économiquement grâces aux prises de guerre, elle a cherché à se doter des attributs de la souveraineté (institutions politiques, forces armées, hymne, drapeau, etc…). Néanmoins, ni la communauté internationale, l’Ukraine et encore moins la Russie ne reconnaissent la Transdniestrie.

 

 

Son existence demeure préserver grâce à la présence militaire de la Russie à travers la 14e armée russe qui stationne à Tiraspol (environ 1500 hommes) mais aussi grâce à un soutien financier de Moscou. Ajoute à cela la proximité culturelle et linguistique et ceci explique les moyens de pression qui sont dans les mains de Moscou et qui peuvent servir à déstabiliser le pouvoir moldave.

 

 

En 2006, un référendum est organisé en Transdniestrie avec le soutien très appuyé de la Russie. Deux questions sont posées, la première demande aux électeurs s’ils désirent le rattachement de leur pays à la Russie, la seconde s’ils désirent être rattachés à la Moldavie et renoncer ainsi à l’indépendance. La participation atteint 78%, la première question recueille 97,1% de oui, la seconde 95% de refus de renoncer à l’indépendance. Aucun Etat ne reconnaît les résultats puisque aucun d’entre eux (même pas la Russie) ne reconnaît la Transdniestrie comme un Etat. La CEI reconnaît les résultats quand l’OSCE et l’Union européenne refuse de les reconnaître, notamment en raison des fraudes et de l’absence de reconnaissance internationale.

 

 

Le 19 mars 2014 la Transdniestrie, par la voix de son dirigeant, Mikhail Bourla, a demandé la possibilité que la législation russe permette le rattachement de la Transdniestrie à la Fédération de Russie. A l’instar de la Gagaouzie (qui demande son indépendance et aucunement une telle annexion), la Transdniestrie ne bénéficie d’aucun accès à la mer (comme la Moldavie au demeurant) : une langue de terre ukrainienne sépare ces entités de la Mer Noire. Que ce soit les projets d’adhésion l’union douanière menée par la Russie ou tout simplement la Fédération de Russie, ils semblent bien difficile à mettre en œuvre sans un accès libre à la mer, faute de contigüité territoriale.

 
 
Le marquis de Seignelay
 
 
Bibliograhie :
 
Atlas des Nations sans Etat en Europe – Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.

17 mars 2014

Mer Noire : "La fière et discrète République de Gagaouzie"

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Territoire oublié d'Europe d'environ 150 000 habitants seulement, sa petitesse (18323 km²) pouvant pousser à croire que c'est un artefact (ou l'origine d'une célèbre chanson britannique). Au contraire, c'est l'héritage d'une riche histoire, celle de turcs chrétiens ayant une filiation avec les peuplades mongoles qui dominèrent un temps l'Europe, de l'Est en particulier.

 


Peuple turcophone donc, creuset des tribus Oghouzes qui immigraient vers l'Ouest de l'Europe entre les X et XIIe siècle ap. J.-C.

 

Ils ont été christianisés au cours du XIXe siècle à partir d'un échange de territoires entre les empires russe et ottoman en 1812 (l'Empire russe obtenant la Bessarabie).

 

Le chemin de l'indépendance de la Gagaouzie débute dès le XXe siècle. Ainsi, et dès 1906, la République de Komrat est proclamée, sa durée de vie ne dépasse pas les 15 jours. Puis, en 1917 les députés Gagaouzes votent l'indépendance de la Moldavie et leur rattachement à la Roumanie. Rétrospectivement, c'est assez ironique avec la configuration de la fin du XXe siècle. Enfin, en 1940 la Moldavie est annexée à l'URSS. Sous administration soviétique, les revendications gagaouzes sont gêlées.

 

Le cheminement de l'accession à l'indépendance des Gagaouzes débute, comme beaucoup de choses en Europe de l'Est, par l'invitation du président Boris Eltsine à prendre autant de libertés que possible. Ou plutôt, la célèbre formule eltsienne ne sera là que pour sanctionner un mouvement largement entamé. Les revendications nationalistes gagaouzes se font jour dès les années 1980. En 1990, les Gagaouzes se révoltent lors de la chute de l'empire soviétique. En août 1990 la République de Gagaouzie est autoproclamée. Le leader indépendantiste Sepan Topal est élu à la présidence du Soviet suprême le 31 octobre 1990.

 

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© Wikipédia.



La Moldavie ne peut que trouver une solution avec cette turbulente république. Chose pressante puisque les évènements gagaouzes sont simultanées à ceux de Transdniestrie... La souveraineté et l'intégrité territoriale de la Moldavie se fera au prix d'une certaine souplesse. Après trois années de conflit, en 1994, la région autonome de Gagaouzie est créée entraînant l’officialisation du gagaouze comme langue de cette région autonome. Les gagaouzes gèrent aussi leur politique éducative désormais.

 

Les Gagaouzes parlent une langue altaïque qui est relativement différente de la langue turque. Cela n'empêche pas la Turquie d'entretenir des liens culturels fort avec ce territoire. Depuis la dissolution de l'URSS, Ankara conserve des liens par les créations d'un centre culturel turc et d'une bibliothèque en République de Gagaouzie.

 

Le partage des population s'est fait relativement pacifiquement. Toutes les localités comprenant plus de 50% de Gagaouzes ont été intégrées. Dans les autres au peuplement plus métissés des référendums furent organisés.

 

Les relations avec les autorités centrales restent encore aujourd'hui très tendues. Par exemple, en janvier 2014, la région autonome de Gagaouzie annonçait son intention de consulter ses administrés par référendum. Ce serait une réaction à l'agenda pro-européen du gouvernement moldave. Il trahirait la volonté de s'unir à terme à la Roumanie. Les résultats du référendum du 2 février 2014, qui a atteint un taux de participation de plus de 70% (présence d'observateurs bulgares, polonais et ukrainiens, entre autres), ont été connu le 3 février : 98,4% des électeurs ont voté pour l’intégration de la Gagaouzie à l’Union douanière (Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan) et 98,9% à avoir voté en faveur du droit de la Gagaouzie à déclarer son indépendance, si la Moldavie devait perdre ou abandonner sa propre souveraineté.

 

Enfin, il reste la question de l'accès à la mer. Sans cela, il y a de quoi s'interroger sur la crédibilité et la profondeur de la volonté d'engagement dans la communauté économique russe. C'est bien en raison de la proximité de la mer Noire et de l'importance de la crise de Crimée de 2014 qui pousse à imaginer que Moscou a quelques gains territoriaux à négocier pour offrir cet accès à la mer.

 


© Inconnu.



Le drapeau non-officiel des Gagaouzes de tous pays est très original. Il détonne dans le concert européen des drapeaux. Il est à ne pas confondre avec l'emblême de la maison Stark de la fiction "Games of Throne" (George R. R. Martin). Ainsi qu'il est dit dans l'ouvrage précité (et très bien expliqué à la page 116), ce drapeau est constitué d'une tête de loup rouge (mémoire de l'empire Couman du XIe siècle, peuple turcophone originaire des bords de la Volga ayant émigré en Europe dont les Gagaouzes sont des descendants) dans un cercle blanc, sur fond bleu azur, ce qui détonne en Europe où le Lyon est roi (et le coq l'exception culturelle). Ce bleu clair est la couleur traditionnelle des Turcs et des Mongols.

 


 

Le drapeau officiel est des plus classiques.

 

 

Bibliographie :



Atlas des Nations sans Etat en Europe - Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.

14 mars 2014

Mer Noire : "Introduction"

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La mer Noire est une annexe de la Méditerranée, et plus précisément, du bassin oriental de cette dernière. Relativement isolée par son éloignement au Nord et par les détroits du Bosphore (de la mer Noire à la mer de Marmara) et des Dardanelles (de la mer de Marmara à la Mer Egée), elle a besoin d'être connectée au reste du système maritime "mondial" (selon comment s'entend la notion de "monde", les empires se concevaient "monde") pour prospérer.

 

Premièrement, dès les premiers empires maritimes comme celui de la Phénicie, il apparaît clairement que la prospérité de la mer Noire passe impérativement par la construction d'une verticale. Celle-ci doit permettre de lancer des ponts entre elle et le bassin oriental de la Méditerranée. Plus largement, cette connexion toute verticale permet de relier les territoires devenus slaves et turcophones à ceux du Proche et Moyen-Orient, voire à tout le reste de la Méditerranée.

 

L'empire phénicien se prête bien à illustrer cette puissante relation. "On a souvent tendance à imaginer l'expansion phénicienne comme un mouvement concernant principalement l'Occident méditerranée alors que l'élégie d'Ezéchiel (VIe siècle avant J.-C.) sur Tyr, que nous avons mentionnée précédemment montre la Phénicie en relation avec les principales puissances du Proche-Orient : outre Israël et Juda, Damas, l'Arabie et Assour, on relèvera en particulier la mention de diverses régions septentrionales, comme la Lydie, la Phrygie, l'Arménie"[1].

 

Deuxièmement, l'empire phénicien montre aussi que l'île de Chypre était le "pivot" de ces relations Nord-Sud. A l'ère des grandes découvertes et de l'investissement du "Monde" (à l'échelle planétaire) par les européens, Londres est un autre grand exemple. Elle se constitue un empire commercial sur l'Océan dont l'une des artères principales est en Méditerranée. Cette artère atteindra son apogée avec le contrôle des trois positions clefs de la Mare Nostrum : Gibraltar, Malte et Chypre. Celles-ci commandent les deux bassins de la Méditerranée et le passage de l'un à l'autre. A l'instar des navigateurs de l'Antiquité, la grande droite horizontale rejoint celle verticale pour dominer le système Méditerranéen.

 

SAMSUNG 

Les Phéniciens, marins des trois continents, BAURAIN Claude et BONNET Corinne, Paris, éditions Armand Colin, 1992, p. 184.

 

C'est justement la poussée russe vers la Méditerranée qui est originale par rapport à ces constructions historiques. Les thalassocraties n'avaient pas encore affronté une puissance potamienne cherchant à dominer la mer Noire. Elle inverse le sens de la construction puisque la verticale ne montre plus mais elle descend vers le Sud pour relier la Russie à l'Océan, par la célèbre route des Varègues aux Grecs initiée depuis la fondation de la dynastie des rurikides (IXème siècle). Il s'agit aussi de sécuriser l'assise géopolitique de l'Etat russe puisque les territoires au Nord et à l'Est de la mer Noire sont le ventre mou de la Russie, propice aux invasions mongoles ou à soutenir les adversaires du communismes, comme les Russes blancs l'ont été par les Alliés de la Grande guerre.

 

Et pourtant, la première qualité de la mer Noire est d'être le grenier à blé de l'Europe. "La prudence avec laquelle les Athéniens acceptèrent d'en prendre la tête [la ligue de Délos] ne signifiait pas qu'ils refusassent de diriger la guerre contre les Perses. Si Sparte avait de bonnes raisons de rejeter l'hégémonie, Athènes en avait encore de meilleures pour l'accepter. Pour commencer, on s'attendait à ce que les Perses reviennent assaillir la Grèce. Ils l'avaient attaquée trois fois en vingt ans et l'on ne pouvait imaginer qu'ils resteraient sur une défaite. Ensuite, Athènes avait à peine commencé à réparer les dévastations causées par la dernière invasion : elle savait qu'elle ne manquerait pas d'être la cible de la prochaine guerre. En outre, la mer Egée et les terres se situant à l'est jouaient un rôle majeur dans son commerce. Elle dépendait du blé importé de Thrace (l'actuelle Ukraine) qui passait par la mer Noire : une campagne perse très réduite s'emparant du Bosphore ou des Dardanelles suffirait à couper son approvisionnement. Enfin, les Athéniens avaient des liens de parenté, religieux et traditionnels avec les Grecs d'Ionie établis dans la plupart des villes menacées. La sécurité, la prospérité et les sentiments invitaient également à refouler les Mèdes et tous les rivages et îles de l'Egée, des Dardanelles, de la mer de Marmara, du Bosphore et de la mer Noire"[2].

 

Plus de deux millénaires plus tard, cette fonction de grenier à blés n'a pas disparu. Au contraire, Moscou tente d'en tirer toute la puissance avec ses projets de cartel des blés.

 

Plus bas, la Russie, puis l'URSS avant de redevenir la Russie, ne cherche qu'à reconstruire la verticale qui relie la mer Noire au Proche et Moyen-Orient en passant par Chypre. En témoigne l'importance de la base navale de Tartous et les démarches effectuées pour tenter d'implanter une base navale sur l'île de Chypre. Les croisières du croiseur porte-aéronefs Kuznetsov, navire-amiral de la flotte du Nord, et du croiseur de batailles à propulsion nucléaire Pierre le Grand, montre que la droite horizontale conserve toute sa place.

 

Plus à l'Ouest, les Etats-Unis d'Amérique ont manifesté très tôt leur intérêt pour la Méditerranée. En témoigne la protection qui est accordée aux navires marchands américains par le Sultan Mohammed III, souverain du Maroc le 20 décembre 1777 ou le protocole du traité de paix et d'amitié remis au Sultan par l'émissaire américain Barclay le 15 juillet 1786. Ces relations diplomatiques et cette alliance sont, au passage, antérieures à celles liant les Etats-Unis d'Amérique à la France, "la plus vielle alliée" de Washington. La guerre de Tripoli (1801-1805) est la première intervention américaine à l'extérieure, en Méditerranée encore une fois.

 

Depuis la chute de l'Union soviétique, la présence navale américaine en Méditerranée franchit les détroits turques. Par la remise en cause de la première mouture du système ABM américain en Europe, le président Obama présente le BMDE en 2009 (version du système ABM remanié pour répondre aux critiques européennes). Alors que les regards sont rivés sur l'arrivée du premier des quatre destroyers AEGIS/SM3 à Rota, en Espagne et près de Gibraltar, les ports d'Ukraine et de Constanta sont tout aussi coutumier de la présence de croiseurs et destroyers AEGIS. Aussi, la Roumanie accueille la mise en place du dispositif terrestre du BMDE.

 

Dès lors, il y a concurrence entre une double verticale, celle américaine allant de la Roumanie au canal de Suez et celle de la Russie allant de Sébastopol jusqu'au port de Tartous, dernier point d'ancrage de la puissance navale russe en Méditerranée...

 

La Russie ne peut que se sentir refoulée par la progression américaine et de l'OTAN en Mer Noire. Elle a riposté par la guerre en Géorgie (2008) et a profité de l'instabilité ukrainienne pour protéger ses intérêts. La Turquie, traditionnellement seconde partie du condominium qui dirige la mer Noire, s'appuie sur cette intrusion américaine pour protéger ses propres acquis. Alors qu'Ankara est empêtrée dans de multiples scandales de corruption, le projet d'acquérir l'avion de combat "Joint Strike Fighter" F-35 est relancé... Tout comme en Pologne un tel projet d'acquisition se fait jour. Ce qui laisse apparaître de multiples liens et connexions entre la mer Noire, la Mer Baltique et l'isthme courant de l'Ukraine à la Pologne...

 

Oui, la mer Noire est enjeux...

 

C'est pour tenter de lever un peu le "brouillard de la guerre" sur ces nombreux enjeux que l'Alliance GéoStratégique, ainsi que des contributeurs extérieurs, vous propose leurs analyses sur la mer Noire. Les premières interventions présenteront une partie des acteurs et des enjeux actuels tandis qu'une seconde série de publications s'attachera à présenter les enjeux maritimes dont le point central est la base navale russe de Sébastopol.

 

Bonne lecture !

 




[1] Les Phéniciens, marins des trois continents, BAURAIN Claude et BONNET Corinne, Paris, éditions Armand Colin, 1992, p. 131.
 

[2] Périclès, KAGAN Donald, Paris, éditions Tallandier, p.124.