Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





12 février 2013

Action sous-marine dans la bande littorale et TRM


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© Inconnu.

De l’avis de tous, ou presque, l’avenir de l’action navale est majoritairement à une plus grande place des sous-marins dans les flottes. Les vaisseaux noirs possèdent quelques caractéristiques, différentes de celles de la surface. Parmi celles-ci, on peut noter une capacité à recueillir plusieurs types de renseignement au plus près de la source (tant que celle-là est proche de la fameuse bande littorale des 200km où se concentre 80% de la population mondiale). Mais aussi de pouvoir le faire, et d’agir sans élever le niveau de la crise. Le sous-marin est ainsi invisible aux senseurs de la sphère électromagnétique, tant qu’il ne franchit pas le dioptre.
C’est cette invisibilité qui lui confère des capacités de froudroyance très recherchées, à travers les forces spéciales et les missiles de croisière.

Le problème du sous-marin, c’est son relatif isolement vis-à-vis de ce qui se trouve au-dessus dioptre. Les ondes électromagnétiques ne franchissent pas la surface, ce qui protège les vaisseaux noirs mais les isole également. Cependant, il y a de nouvelles technologies qui laissent espérer que le sous-marin pourra de plus en plus receuillir du renseignement lorsqu’il sera à immersion périscopique.

Il y a, donc, au moins deux grands moyens qui permettent au sous-marin de s’affranchir de cet isolement :

Le premier d’entre eux est le radar. Dès la seconde guerre mondiale les premiers radars furent installés sur bien des sous-marins, dont ceux de l’US Navy et ils rendirent bien des sevices pour détruire la flotte de commerce japonaise. Plus largement, il évite au sous-marin de naviguer que par la seule vue de son périscope ou des veilleurs. Mais aussi de voir au-delà de l’horizon. Le radar de veille aérienne se fait rare parmi les submersibles, tandis qu’il est plus courant chez les submersibles qui restent longtemps en surface. C’est ce que proposait DCNS à travers son submersible SMX-25 qui est pourvu d’un radar de veille aérienne. Mais le projet des anciens arsenaux ne dit pas si c’est un radar digne des grandes frégates de défense aérienne ou si l’ambition est moindre.

L’autre grand moyen est un développement des moyens de communication. Il y a forcément de tout à bord d’un sous-marin. Les U-Boat émettaient et recevaient leur traffic par ondes de la gamme HF. Guy de Malbosc et Jean Moulin (" Guerre des codes et guerre navale") nous expliquent comment c’était un enjeu de percer le chiffrement des communications allemandes.

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© Inconnu. SNA de la classe Virginia (US Navy).


Depuis lors, la plus grande évolution est venue des communications spatiales. La Marine rechercha très tôt (dès les années 60) la possibilité  de communiquer avec ses navires de par le monde. L’Espace est donc venu offrir de formidables possibilités en la matière. Les communications spatiales sont mêmes supposées être très sûres puisque bénéficiant de gammes de longeur d’ondes très directives, donc relativement dures à intercepter (là où les ondes HF sont très évasives).

Le radar RBE-2 du Rafale arrive enfin pleinement à mâturité grâce à l’entrée en service de sa version la plus évoluée à antenne active (radar dit AESA). L’on peut apprendre dans le DSI du mois de janvier 2013 que ce radar se compose de x modules : les TRM. Ceux-ci constituent l’antenne proprement dite du radar. Mais par rapport aux antennes à balayage mécanique et/ou électronique des précédentes générations, il serait possible, désormais, avec les TRM de subdiviser l’action de l’antenne en répartissant x TRM par x tâche. Ainsi, une partie de ces modules pourrait effectuer des recherches en mode air-air quand l’autre partie s’occuperait simplement de carthographier le sol.

Plus loin encore dans l’exploitation du potentiel des TRM, il serait envisageable de les utiliser comme moyen de communication. Ces modules pourraient, grâce à un faisceau d’énergie dirigée (lire "Les armes à énergie dirigée : mythe ou réalité ?" de Bernard Fontaine), envoyer des données à des débits comparables aux dernières prouesses des communications spatiales. La chose ne sera pas inintéressante pour remplacer les actuelles liaisons 11 et 16 et permettre à un groupe d’attaque de travailler en réseau (capacité déjà actuelle, mais avec des échanges de données sans commune mesure avec ce qui se fait actuellement).

Le sous-marin, là-dedans, peut rêver à -peut être...- bénéficier des avancées offertes par ces TRM. On peut imaginer qu’il puisse rentrer dans l’appendice d’un mât périscopique. Si l’on observe certains mâts des Virginia et des Astute, il est possible d'apercevoir des mâts optimisés pour réduire autant :
  • le sillage engendré par leur hissage
  • que leur SER (Surface Equivalente Radar).
De par leur volume, il semble aussi abriter un certain nombres d’équipements, certainement pour receuillir du renseignement.

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© Inconnu. Le premier Rafale livré avec son radar AESA (RBE-2 à antenne active).

Les SNA de la classe Suffren (programme Barracuda) peuvent légitimement nous laisser croire qu’ils bénéficieront de ce type de mât car leur conception générale semble tourner pour aussi, mais pas seulement, opérer dans la bande littorale.

Dans cette optique, l’on peut imaginer deux choses :
  • un mât de veille aérienne qui aurait des portées intéressantes grâce à l’emploi d’un certain nombre de TRM. Il semblerait que le volume du cône du Rafale soit plus ou moins similaire à celui de l’appendice d’un mât de Astute.
  • Un mât de communication à base de TRM, mais pas seulement.
Il faut dire que la seconde option laisse entrevoir des possibilités très intéressantes en matière de cyberstratégie. L’ouvrage d’Olivier Kempf («  Introduction à la Cyberstratégie ») nous dit que le degré de coertition de l’action cybernétique est inversement proportionnel à sa discrétion. Cependant, dans le cadre d’un conflit déclaré, un certain nombre de nations (Israël, Etats-Unis notamment) semblent avoir laissé filtrer quelques bruits sur les capacités de leurs aéronefs en matière d’actions cybernétiques. Ils auraient recours à leurs capacités de guerre électronique pour développer des capacités cybernétiques afin de mieux mener leurs missions de suppression des défenses aériennes ennemies. Au vu de ce que faisait les SNA français pendant la guerre en Libye, où ils recueillaient du renseignement au large des côtes, tout porte à croire que des mâts remplis de TRM offriraient quelques possibilités intéressantes.

11 février 2013

2013 : essais et expérimentations d'une "French MEU (SOC)" ?


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© Michel BEZ - Marine Nationale.

Plusieurs choses sont proposées à l'heure actuelles pour structurer les forces armées françaises après la rédaction du nouveau livre blanc. D'un côté, notamment, il y a les tenants de la pause stratégique. De l'autre côté, d'autres sont plus convaincus par la nécessité de continuer à participer aux affaires du monde, et arguent du fait que si la crise malienne éclate ou que le Nord-Kivu appelle à l'aide, c'est que l'on laisse de l'espace à des forces politco-militaires qui déplaisent aux valeurs de la France de A à Z. C'est pourquoi il vaudrait mieux continuer à soutenir une défense en avant et surtout au devant des crises naissantes.

L'avantage de la première option, c'est que cela pourrait être un bel exercice logistique. Mais rien ne dit qu'une pause stratégique en France irait de paire avec un large débat, débridé, où des choses capitales seraient remises en cause. A quoi bon s'arrêter pour discuter si l'on n'ose pas ? La pause aura été une pure perte. Et si on peut parler, alors pourquoi s'arrêter ? Certes, quand les processus s'arrêtent, il y a plus de marges de manœuvre, mais il est aussi possible de s'adapter sans tenter de se retirer du monde.

La seconde option est plus exigeante puisqu'il s'agit de s'adapter, en essayant des idées plus ou moins neuves, plus ou moins originales, sans arrêter la machine. Si nôtre budget militaire ne s'est pas effondré, il faut le considérer comme très contraint. Michel Goya souligne, par ailleurs -dans "Res militaris - De l'emploi des forces armées au XXIe siècle"-, la nécessité de se ménager des marges d'innovations et d'expérimentations pour entretenir la modernité d'une machine guerrière.

Donc, il serait toujours possible d'essayer des choses. Là, jonction va être faite entre deux choses :
  • la première est le tryptique qui est proposé. Il s'appuie sur une déconcentration des forces dans tout l'Archipel et de par le monde grâce aux bases installées à l'étranger. La concentration de nos forces de manœuvre se réaliserait grâce aux troupes embarquées en mer ou projetées par voie aérienne grâce à nos différentes bases.
  • La seconde est une évolution assez profonde de nos forces amphibies qui les verrait gagner en autonomie et de les structurer à la manière de groupes amphibies permanent.
En vérité, ce ne serait que porter à son paroxysme une manière de structurer les forces qui est déjà en œuvre :
  • depuis plusieurs années déjà, la mission Jeanne d'Arc (qui remplace le croiseur porte-hélicotères du même nom) embarque une sorte de SGTIA aéromobile. Ce n'est pas permanent, mais cela devient "régulier", même si la période considérée est assez courte. La force de frappe diplomatique de cet embarquement est important puisque nos forces amphibies ont pu s'entraîner avec diverses armées dans les océans Indien et Atlantique.
  • Ensuite, il y a eu la mission Corymbe qui était dotée du BPC Tonnerre alors que la crise ivoirienne était proche de sa résolution militaire en 2011. Les forces aéromobiles embarquaient dans le navire ont été d'une aide précieuse dans la capitale ivoirienne pour soutenir le renversement du président sortant.

Les conditions financières permettraient de s'essayer à une expérimentation de la seconde idée précitée afin de l'insérer dans le schéma présenté dans le premier point. 

Les Marine Expeditionnary Unit (Special Operation force Capable) de l'US Marines Corps américain est un grand modèle. Ces groupes amphibies américains comprennent des outils pour déplacer 1800 Marines (par groupe) à travers le monde. Mais aussi, ils peuvent faire durer leurs groupes aéromobiles (hommes comme matériels) à la mer pour les projeter à tout moment, comme un groupe aéronaval peut le faire.

Cette expérimentation française pourrait tirer parti des moyens actuels. Le premier de ceux-ci est un cadre opérationnel existant : la mission Jeanne d'Arc. Il s'agirait de la renforcer, le temps d'une mission, pour expérimenter une structuration de nos forces amphibies pouvant déboucher sur deux groupes amphibies permanent à l'avenir. Hors, la mission Jeanne d'Arc ne comprend que de faibles moyens pour faire durer à la mer une force aéroterrestre pendant le temps d'une campagne. Et c'est bien normal puisque ce n'est pas le but de la mission.

Pour palier ce déficit, il est proposé :
  • de constituer ce groupe à travers trois navires : un BPC, le TCD Siroco et une frégate d'accompagnement.
  • Le BPC apporte des moyens de commandement hors du commun avec les autres marines de l'OTAN (hors US Navy), un hôpital embarqué et les installations nécessaires pour embarquer un groupe aéromobile. Le BPC embarquerait des ateliers, autant pour les blindés et les voilures tournantes que pour les navires de la mission Jeanne d'Arc
  • Le TCD emporterait des hommes, leurs blindés (quitte à en décharger le BPC d'une partie) et des soutes pleines de carburant pour servir comme pétrolier-ravitailleur auxiliaire.
  • La frégate d'escorte fourirait la bulle de défense contre toutes menaces à la force et pourrait appuyer un débarquement de vives forces.

La force aéroterrestre embarquée devra, à l'instar des Marines, se comporter comme l'aile amphibie des Armées françaises. S'il n'est pas nécessaire d'embarquer le nombre d'hommes maximun permit par les installations (920 (450 (BPC) + 470 (TCD), il pourrait s'agir de proposer un format original. Depuis quelques temps déjà, les BPC servent de bases terrestres mobiles : par exemple, cela a encore été vu en Somalie où le Mistral servait de base de départ du raid du commando du Service Action (DGSE) quand le Dixmude transportait un SGTIA en direction du Mali.

Il serait alors plus intéressant d'installer à bord de cette mission Jeanne d'Arc alourdit l'ossature d'une alerte Guépard : "Le Guépard est l'alerte prise par une brigade pendant six mois, capable de mobiliser jusqu'à 5 000 hommes. Il est coupé en plusieurs modules, à commencer par le commandement à l'échelle d'un bataillon. Ensuite, le Guépard d'urgence est de deux types : l'extrême urgence, des parachutistes capables d'être projetés directement (aujourd'hui au Mali, nous n'avons pas une force TAP, troupes aéroportées) ; une composante motorisée, des VAB du 2e RIMA dans le cas du Mali, qui tenaient l'alerte 12 heures ; nous avons aussi des alertes à 48 heures, 72 heures... Il existe également le Guépard de décision, quand il s'agit de décider de l'avenir de la bataille, fournir un gros effet de niveau brigade face à une menace conséquente, par exemple un GTIA (groupement tactique interarmes) avec trois compagnies de VBCI, un escadron de chars Leclerc, plus un environnement d'artillerie, de génie et un d'éclairage et d'investigation..."
Ainsi, les BPC et TCD de l'expérimentation embarqueraient le cinquième théorique d'une alerte Guépard. Pour ainsi dire, l'on pourrait même avancer que cette mission Jeanne d'Arc prendrait l'alerte Guépard avec les forces mises en alerte en France. L'articulation des moyens se ferait comme suit :
  • L'alerte Guépard serait partagée entre la réserve en métropole et la réserve en mer.
  • Un Guépard d'urgence qui serait décomposé en deux structures :
    • "L'extrême urgence, des parachutistes capables d'être projetés directement..."
    • La force amphibie pourrait alors projeter rapidement un ou deux SGTIA motorisés, voire mécanisés (pourquoi ne pas inclure un demi-escadron de Leclerc et une ou plusieurs batteries d'artilleries à bord ?).
  • Le Guépard de décision se partagerait lui aussi entre la métropole et la mer. Le partage se ferait d'autant mieux que la force amphibie du Guépard d'urgence pourrait comprendre des éléments du Guépard de décision.
    Le Guépard d'urgence amphibie pourrait permettre de préparer un point de chute au Guépard de décision entier pour trouver une base de départ pour le rassemblement avant la projection finale vers le théâtre.
Que cette expérimentation puisse être un jour menée, ou non, cela souligne néanmoins le besoin crucial d'avions ravitailleurs, d'avions de transport tactiques et stratégiques et d'un contrat d'affrêtement d'avions civils pour projeter quelque chose équivalent à une brigade.
Ainsi, le temps d'une mission Jeanne d'Arc, la France augmenterait sa dissuasion conventionnelle en facilitant la projection du Guépard de décision, ou, tout du moins, d'une partie de ses éléments (comme un demi-escadron de chars Leclerc et des batteries d'artillerie prépositionnées, elles aussi) qui renforcerait le Sea basing français, tel qu'il est actuellement mené. Plus largement, cela validerait, ou non, l'éventuelle plus value apportée par un groupe amphibie à trois unités.

07 février 2013

Colloque "Les sous-marins d'attaque dans l'action navale"


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© Inconnu.

Est le nom du colloque organisé par le Centre d'Etdues Supérieures de la Marine le mardi 18 décembre 2012.

Après les introductions prononcées par le CV Finaz (nouveau commandant du CESM) et par l'IGA1 Cousquer (DGA), le colloque commença véritablement après l'introduction du premier thème - « le besoin opérationnel du sous-marin dans l'action navale »- par l'animateur du jour, monsieur Lamarque, journaliste à France Inter.

« Les sous-marins dans la vision stratégique des espaces maritimes » était la première communication du colloque, prononcée par le VAE (2S) D’Arbonneau. Il ne faudrait pas se limiter au bon mot de l'amiral (« telle est la célèbre formule du maréchal de Mac Mahon : "que d'eau, que d'eau" -et encore maréchal, vous n'avez pas vu toute celle qui est en-dessous ! »). Mais bien comprendre que ce bateau permet d'avoir une mobilité stratégique à l'échelle mondiale, si tant est qu'il est pourvu d'une propulsion nucléaire, et qu'il peut agir sans élever le niveau de la crise. L'un de ses principaux avantages est de pouvoir s'approcher de l'épicentre de la crise pour collecter divers types de renseignement, à la source même, tant que celle là est dans la bande littorale. Et quand il lance ses armes, c'est une action presque forcément foudroyante puisque douée d'une surprise éclatante.

L'intervention suivante, « Évolutions des techniques et tactiques dans l’histoire du sous-marin », était prononcée par le CV (R) Eudeline. L'auteur s'est concentré sur l'apparition du sous-marin sous les mers. Après quelques mots sur les mentions de navires sous-marins par les auteurs de l'Antiquité, le communicant choisissait de faire naître le sous-marin en France. Tant il est vrai que Paris était en avance sur son temps en lançant des engins révolutionnaires pour l'époque : le Plongeur (1863), le Gymnote (Q 1 - 1888 – 1908), le Gustave Zédé (Q 2 - 1893 – 1909), le Morse (Q 3 - 1899 – 1909) et le Narval (Q 4 - 1900 – 1909).
Attribuer une telle paternité française à la création des submersibles et sous-marins est bien téméraire et ne pourrait que faire réagir les Américains (CSS Huntley) ou encore les Espagnols, au moins. Cependant, il est indéniable que la France est une nation pionnière.

« Un sous-marin d’attaque, à quoi cela sert ? », telle était la question qui introduisait le propos du CV Mesnet (CICDE). Ne pouvant déborder sur le programme Barracuda car il était le sujet central du thème suivant, l'auteur s'est alors borné à présenter ce qu'il était possible de faire à l'heure actuelle. Il a été question des missions qui peuvent être menées par un sous-marin d'attaque, et en particulier celles qui peuvent être menées par les sous-marins nucléaires d'attaque que possèdent la France. Ainsi, il a été question de missions comme le blocus naval défensif que le SNA Saphir, l'un des sous-marins qui y ont participés, a pu mener au large du Monténégro pendant la guerre du Kosovo (1999). Cas intéressant qui montre que si l'action navale pure (sans actions vers la terre) ne peut forcer la décision, tout du moins, elle peut fortement l'influencer, en empêchant les monténégrins de rejoindre l'alliance serbe, en réduisant les capacités de manœuvre de l'adversaire (c'est toute la philosophie d'un penseur comme Sir Julian S. Corbett). Les actions menées en Libye (2011) et au quotidien, mais ne bénéficiant d'aucune publicité, ont pu aussi être rappelées (renseignement de toutes sortes, dépose de forces spéciales).

Le point de vue d'une marine étrangère a été celui de l'Angleterre, proposait par l'attaché naval de l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris. Le Captain Nicholas Stanley a ainsi pu montrer que Royal Navyet Marine nationale partageaient bon nombre de points communs quant à la place du SNA (le sous-marin d'attaque est aussi nucléaire en Angleterre) dans l'action navale et son utilisation par les deux pays. Plus précisément, l'officier anglais mettait en avant qu'il évait été très important pour Londres de mettre en oeuvre des missiles de croisière depuis ses SNA pour participer à l'entrée en premier sur les théâtres, avec l'US Navy. Raison pour laquelle des Tomahawk furent achetés.

Selon une procédure bien huilée, le second thème - « L'état de l'art, les programmes et la prospective »- fut introduit de la mêne manière que le premier par l'animateur. Sheldon Duplaix (Service Historique de la Défense) à travers « Les sous-marins dans le monde et leur prolifération », ce grand spécialiste des sous-marins et des porte-avions, brossa un tableau statistique très complet sur la diffusion de ce bateau de par le monde. Il montrait en quoi la Guerre froide se faisait ressentir sur la possession de sous-marins à travers les deux Grands. Et comment la fin de cette période amorça une décrue spectaculaire dans le nombre de sous-marins en service sur la planète. Par ses chiffres, il voulait aussi attirer l'attention sur le fait que si les sous-marins de toutes sortes voyaient leur nombre de réduire dans l'Atlantique Nord et dans le Pacifique Nord, il ne cessait d'augmenter dans d'autres zones et de se démocratiser, en tout particulier dans l'Asie du Sud-Est, mais pas seulement (Océan Indien et Atlantique Sud également).

« État de l’art et prospective technique », intervention de l'ICA Dugué (DGA) permettait à la salle de suivre où en était les enjeux technologiques et ce qu'il serait possible de faire demain et après-demaine. Une telle prospective n'était pas inutile alors que les nouveaux SNA de la classe Suffren, sont conçus pour offrir 40 années de service.

Mais le colloque atteignit son apogée quand, après toutes ces communications qui revisitaient l'histoire du sous-marin de ses origines à aujourd'hui, du pourquoi au comment faire en passant par le pourquoi, il fut question du programme Barracuda. « Le programme français : Barracuda » fut alors présenté par trois personnes (c'est dire l'enjeu) : CV Ginisty (EMM, officier programme), ICA Le Yaouanc (directeur du programme (DGA), et M.Dufour (directeur du programme (DCNS). Outre les nouvelles capacités offertes par ces futurs vaisseaux noirs dans l'action vers la terre (« dry dock shelter » accessible par sas pour nageurs de combat et Missile de Croisière Naval (MdCN), il a été question de la philosophie du nouveau SNA. Comme le disait le CV Ginisty, les SNA Rubis ont été conçus pour quelques missions de la Guerre froide, et finalement, ils n'ont servi essentiellement qu'après sa fin. Hors, ils ont pu s'adapter à leurs nouvelles et inédites missions, malgré un un volume très rentabilisé. C'est pourquoi si le tonnage double d'une classe (Rubis) à l'autre (Suffren), ce n'est pas seulement pour faire progresser la discrétion acoustique (bénéficiant des avancées des SNLE-NG), mais essentiellement pour rendre les nouveaux venus plus modulaires. Les grandes fonctions du bord sont regroupés géographiquement avec des volumes supplémentaires afin de faire évoluer les bateaux dans le temps. Ainsi, ils seront prêts à mener les missions de demain, alors que personne ne sait de quoi il en retourne vraiment aujourd'hui.
Cette intertitude de l'avenir fut rappelée par la question d'un auditeur, adressée au CV de la Royal Navy : « commandant, est-ce que l'ordre de lancement peut être donné au SNLE de Sa Majesté en patrouille en toute indépendance ou faut-il l'accord de Washington ? ». L'officier britannique botta en touche, affirmant qu'il n'y avait pas d'officiers américains à bord. Cependant, cela permet d'introduire l'avenir, c'est-à-dire la succession des SNLE français de la classe Le Triomphant et il n'est pas dit qu'une coopération significative soit possible avec Londres. Avenir qui ne doit pas manquer d'occuper le VA De Coriolis, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique qui conclua le colloque, non sans repartir avec la maquette du Suffren, de quoi patienter jusqu'à la mise à l'eau dudit bateau, en 2016.

03 février 2013

"Guerre des codes et guerre navale" de Guy Malbosc et Jean Moulin


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L’ouvrage reçu de Marines Editions nous offre encore une excellente étude. Celle-ci mériterait même de figurer dans n’importe quelle bibliothèque type d’une personne qui s’intéresse à la stratégie navale, voire à la stratégie tout cours.

Récemment c’était l’ouvrage d’Olivier Kempf - «Introduction à la Cyberstratégie» - qui se chargeait de nous introduire dans une stratégie particulière qui transcende tous les milieux. Plus précisémment, l’auteur nous disait que le cyberespace est né et vit par l’apparition et le développement de la spère électromagnétique.

C’est bien pourquoi l’ouvrage de Guy de Malbosc et de Jean Moulin complète le dispositif puisqu’il va être question de comprendre concrètement les enjeux de cette sphère électromagnétique pour les communications tactiques. En effet, en temps de guerre comme en temps de paix, il faut pouvoir assurer le secret des communications entre les ambassades, pour les services de renseignement et pour les mouvements des Armées et des Flottes afin qu’elles soient toujours en contact avec leur pouvoir politique.
Pour ce faire, il est nécessaire de coder d’une quelconque manière les communications. «Guerre navale et guerre navale» nous offre ainsi une belle introduction sur l’apparition des premiers moyens de codage jusqu’aux enjeux du chiffrement de la seconde guerre mondiale.

Mais l’on entre dans le vif du sujet quand les auteurs abordent les enjeux des codes de la première, mais avant tout de la seconde guerre mondiale.

Le premier théâtre d’action reprend la bataille menée par les Alliés pour déchiffrer les communications allemandes. Ainsi, depuis l’apparition de la machine Enigma en sa version commerciale jusqu’à celle de l’Enigma M4 de la Kriesgmarine, la lutte fut permanente. Combat qi commença en Pologne où les premières recherches pour déchiffrer cee que codait une machine furent entreprises avec un certain succès. Il faut dire que cela remet à l’honneur le travail des services secrets polonais qui appportèrent aux Alliés les premières pierres en la matière, si ce n’est les plus importantes.
On y découvre aussi le rôle important des services français : non, ils ne se sont pas contentés d’être des passeurs entre le travail des SR polonais et les anglais. Oui ils ont eux aussi pu apporter des informations indispensables pour réussir à vaincre Enigma par l’intermédiaire d’un allemand retourné. Guy Malbosc n’hésite pas à dire que pour lui c’est l’espion du cercle car on ne trouve pas mieux que cette source qui transmet des documents stratégiques avec la certitude de leur valeur et de la provenance de leur contenu...

La seconde bataille est la poursuite de la guerre par  l’Angleterre. L’enjeu de la guerre des codes apparaît ici car il y a une lutte permanente entre les flottes, et finalement surtout entre Royal Navy et Kriegsmarine, pour déchiffrer le traffic radio de l’autre. Enjeu essentiel pour les allemands afin de connaître l’ordre de bataille et le déplacement des groupes de combat de la marine anglaise. Enjeu non moins essentiel pour la marine anglaise pour pouvoir dérouter un convois si jamais un U-Boat est dirigé dessus.

La troisième bataille se situe dans le Pacifique, théâtre généralement oublié alors que le capitaine de vaisseau (R) Eudeline rappelait récemment («Les sous-marins d’attaque dans l’action navale») que c’est pourtant le théâtre où une guerre des communications fut réussi : les sous-marins américains coulèrent à eux-seuls 55% de la flotte de commerce japonnaise. L’étendue du Pacifique et le temps nécessaire aux mouvements justifiaient une attention toute particulière aux communications. Mais il y avait ce raté de Pearl Harbor : un message japonais annonçant plus ou moins l’attaque avait été déchiffré mais non exploité.

C’est finalement une des leçons essentielles du livre de Guy Malbosc et de Jean Moulin : il n’y a de richesse que d’hommes.
Le premier enjeu humain de la guerre des codes est ainsi industriel et scientifique : il faut des têtes bien faites pour comprendre ce qu’ils se passe, comment se code les messages adverses et imaginer des parades. La présentation des «bombes» (qui renvoie à la lutte pour obtenir les premiers "calculateurs" et la lutte qui s'amorça ensuite pour disposer de supercalculateurs en grand nombre) montre combien cette guerre a besoin d’imagination et d’inventivité.
Le second enjeu humain renvoie directement aux organisations humaines : une fois qu’il est possible de déchiffrer le traffic de l’adversaire, nécessité est de pouvoir exploiter le renseignement obtenu. Et là, l’on atteint la partie la plus difficile de la lutte puisqu’il faut adapter des schémas administratifs en pleine guerre pour analyser et diffuser des renseignements tous en protégeant les sources alors que l’intertie propre des administrations peut être contre cet objectif.

Enfin, l’on observera de la lutte permanente entre offensive et défensive :
  • attaquer les codes adverses,
  • sécuriser les siens. 
De là s'observe une certaine victoire anglaise puisque le dernier code de la Royal Navy restera inviolé par les allemands.

16 janvier 2013

Projeter les chars Leclerc au Mali ? Engagement à enjeux multiples

© Inconnu.
A travers les lignes qui vont suivre, il va être tenté de montrer que la projection de chars Leclerc ne relève pas d'une évidence opérationnelle folle. Mais le recours à ce matériel symbolique peut être l'accomplissement d'un processus politico-diplomatique où la France s'engage seule, dans l'urgence, mais avec la bénédiction de la communauté internationale. A ce moment-là, les vertus de l'intervention nationale vis-à-vis des coalitions reviennent sur le devant de la scène. Et le recours à des attributs de la puissance ne sont pas à négliger pour marquer durablement les esprits. Enfin, la place particulière d'un système d'arme comme le Leclerc peut en faire un enjeu politico-militaire quand il s'agit de l'utiliser. A ce moment là, le char Leclerc incarne la détermination nationale.

04 janvier 2013

Vers un renouveau des moyens amphibies ? -2/2


Je vais maintenant décrire le TCD NG tel que je l’avais défini précédemment (début de l’article ici):

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© Frost.

Quelle conception pour un tel navire ?

Le TCD NG distinguerait par :
- une bonne capacité d’emport en carburant ;
- un radier plus grand que celui du Mistral (environ 110 m de long pour l’accueil de 3 EDAR, ou 2 EDAR XL ou 2 SMX-26 ou 2 patrouilleurs d’environ 50 m) ;
- une capacité d’emport en personnels supérieure à celle du BPC (environ 900 personnes) ;
- une capacité aéronautique inférieure (de 4 à 10 appareils) ;
- aucune ou très peu de capacités en matière de commandement ou médicales ;
- un espace pour l’emport de conteneurs (comme sur le BRAVE).

Voici le TCD NG tel que je le verrais :

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/TCD-NG2.jpg
© Frost.

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/TCD-NG3.jpg
© Frost.

Maintenant si on détaille un peu :

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© Frost.

Le pont d’envol (noir) a été fractionné en deux parties :
• la première, la plus basse permet la mise en oeuvre de 4 aéronefs avec 2 spots d’appontage,
• la seconde possède trois spots pour 6 aéronefs.

La raison ? Dans son rôle de TCD auxiliaire, le navire permettra la mise en œuvre de 10 hélicoptères moyens, mais quand il sera utilisé en mode navire atelier, ravitailleur ou encore navire humanitaire, cette capacité sera superflue et le pont d’envol supérieur pourra servir d’aire de stockage pour des conteneurs ou des modules.

La partie atelier (violet) communique avec le pont d’envol et le radier par l’ascenseur du navire. Elle accueille diverses machines-outils pour la maintenance des navires de la flotte (mais pas celle des aéronefs, assurée à bord des BPC). Les ateliers permettent aussi la maintenance des équipements du détachement de l’armée de Terre.

La zone de stockage des véhicules (orange) communique avec le radier par deux rampes (seule l’une est visible, l’autre est cachée par la coupe). Un quai de chargement situé le long du radier du côté des rampes permet le chargement des chalands par transbordage.

Le radier (bleu) mesure 110 mètres de long et peut donc accueillir 3 EDAR, 2 sous-marins SMX-26, 2 EDAR XL (d’environ 50 mètres de long) ou encore deux patrouilleurs (d’environ 50 mètres de long). Sa largeur est d’environ 20 mètres pour permettre l’accueil des patrouilleurs ou des SMX-26.

La zone d’habitation (jaune) permet de loger deux fois plus de personnes qu’un BPC et dans des conditions de confort similaires, grâce au bossage situé à l’avant et récupérant l’emplacement du spot numéro 1.

La coque est quasiment identique sauf pour la largeur, en augmentation pour contenir le radier agrandi, le quai de chargement et les réservoirs de fluides/stocks de pièces, de munitions et de vivres. L’appareil propulsif est le même.

L’armement comprendrait :
- 4 mitrailleuses de 12.7 mm (repérées en vert)
- 2 canons de 20 mm (repérés en rose)
- 1 CIWS à base d’un canon RapidFire de 40 mm (voir article) et de missiles MICA VL (plus performants que les Mistrals) implanté à l’emplacement orange. Ce CIWS sera éventuellement complété par des lanceurs Simbad ou Tetral.

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© Frost.

Ce navire peut donc être considéré comme un mélange entre le BPC-moins de Benoist Bihan et un ravitailleur-navire de débarquement comme le Karel Doorman de la marine néerlandaise.

Quel pourrait être le rôle de ce navire ?

Les missions actuelles des BCR :
- sa mission principale est de ravitailler à la mer en combustible, vivres ou munitions divers navires
- une autre mission est d’accueillir un État-major (seulement pour les trois derniers navires).

Les missions du bâtiment-atelier Jules Verne :
- le soutien technique (maintenance, assistance en cas d’avarie de combat)
- le ravitaillement (pièces de rechange, en munitions et gazole)
- le soutien médical (un hôpital complet de 240 m2 : 1 bloc opératoire, 16 lits, un caisson de décompression).

Les missions des BSM :
- soutien guerre des mines
- soutien mécanique et électricité
- soutien médical
- à mentionner aussi, des missions de soutien électronique et de soutien de sous-marins (je dis à mentionner, car si c’était la mission initiale, ces bâtiments ont surtout été utilisés en tant que navires-ateliers)
- il est important de dire que tous ces bâtiments avaient des capacités additionnelles de ravitaillement.

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/Loire.jpg

Le soutien médical est pris en charge par les BPC et leur hôpital très performant (750 m2 de pont, comprenant 2 salles d’opération, une salle de radiologie et 69 lits), de même que les fonctions de commandement. À la limite, une zone comme le Hangar hélicoptère pourra être configurée pour ces missions additionnelles.

Reste donc :
- le ravitaillement (carburant, vivres, eau, munitions et pièces détachées)
- le soutien technique avec divers ateliers
- le soutien auprès d’un groupe de guerre des mines.

Maintenant il y a deux possibilités :
  1.  sacrifier le BPC 4 et un BRAVE : dans ce cas, l’objectif serait d’acheter 3 TCD NG, un par BPC. Les 3 ravitailleurs classiques restant serviraient au soutien du ou des GAN, du groupe de guerre des mines et éventuellement des grosses opérations amphibies.
  2. L’autre option est de sacrifier un BRAVE supplémentaire pour acheter quatre exemplaires du BPC-moins, les 3 premiers opérant de concert avec les BPC et le dernier étant utilisé soit en autonomie, soit pour le soutien du groupe des mines. Cette proposition est motivée par le fait avéré que nous n’aurons jamais plus de deux porte-avions dans la Marine Nationale et jamais les avions pour en équiper deux à la fois au maximum de leurs capacités (32 Rafale et 3 E-2 pour le PA2) (cf. article). Dans ce postulat, deux ravitailleurs (a fortiori plus grands que les classes Durance actuels) devraient suffire au soutien du/des groupes aéronavals.
Quel que soit le choix qui sera fait, on est assuré (du moins avec la commande de deux PA pour remplacer le Charles-de-Gaulle) d’avoir en permanence un groupe aéronaval et deux groupes amphibies complets : presque de quoi gérer un conflit majeur et une crise mineure – ce qui a failli se produire entre la crise de Côte d’Ivoire (décembre 2010/janvier 2011) et l’opération Harmattan (mars 2011/octobre 2011).

Vers une nouvelle doctrine d’emploi pour la guerre amphibie ?

Le but affiché est de permettre par l’union dans une même escadre d’un BPC, d’un TCD et de deux frégates de projeter et surtout de soutenir plus efficacement une opération amphibie :
  • les ateliers internes permettent la maintenance des navires du groupe amphibie. Le bâtiment en assure aussi le ravitaillement ce qui permet à l’escadre de durer à la mer ;
  • les logements supplémentaires permettraient d’embarquer potentiellement un GTIA entier, ce que ne pouvaient faire deux BPC, limités par un faible emport de troupes (les San Antonio américains embarquent par exemple 1,5 fois plus d’hommes que les BPC plus légers il est vrai de 5000 tonnes). Au cumul des capacités, il serait sans doute possible d’atteindre 1200 personnes embarquées soit quatre SGTIA ;
  • la surface des hangars des deux bâtiments permet d’emporter énormément de matériels. Or tout matériel en plus que ce soit des munitions, des vivres ou encore des véhicules augmente tout autant l’efficacité des troupes débarqués. De plus, on constate dans le secteur terrestre un alourdissement général des matériels (le VBMR de 20 tonnes est prévu pour remplacer un VAB en pesant 15). Le passage à ce type de structure en atténuera les effets ;
  • les deux navires étant assez semblables, on peut imaginer que durant une phase molle de l’opération, un des deux navires quitterait l’escadre pour aller échanger des troupes ou du matériel depuis un port allié (où ils auraient été acheminés par voie aérienne). L’autre bâtiment étant suffisant pour soutenir les troupes déjà engagées.
On assisterait en fait à une remise en cause de la stratégie amphibie : le TCD deviendrait le navire central de l’opération durant la partie débarquement (notamment grâce à son grand radier) et il cèderait cette place au BPC durant la partie soutien aux troupes débarqués à cause de ses absences pour aller se ravitailler afin de lui-même pouvoir ravitailler. Cette structure serait même potentiellement plus économique car elle requerrait 2 navires (BPC et TCD) contre 3 pour une structure classique (BPC, BPC ou TCD et ravitailleur).

Maintenant, revenons sur les configurations de ce bâtiment :
  • le soutien aux BPC, dans ce cas, Le bâtiment accueille 10 hélicoptères de l’ALAT, 3 EDAR classiques ou 2 EDAR XL (d’environ 50 mètres de long) ainsi que divers matériels et personnels de l’Armée de Terre ; 
  • le soutien à une opération de déminage, dans ce cas, le radier accueille 2 chasseurs de mines Tripartites ou plus tard des drones. Les divers espaces de stockage abritent des locaux médicaux (soin aux plongeurs-démineurs), du matériel de déminage et des ateliers capables de la maintenance des chasseurs de mines (notamment de leur coque en fibre de verre). Le TCD a aussi une fonction de ravitaillement et de commandement des unités de guerre des mines. Les BCR ont aussi parfois cette mission.
http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/Pegase-Loire-Berneval.jpgRavitaillement la mer en 1986 pour le chasseur de mines tripartites Pégase et le dragueur océanique Berneval. Au centre, le Bâtiment de Soutien Mobile Loire.

  • une configuration où le bâtiment est seul ou navire principal de l’escadre est aussi possible (dans le cadre de la mission Corymbe, de la mission Atalante ou encore de la mission Jeanne d’Arc), même si les futurs BMM seront sans doute mieux dimensionnés pour cette mission. Il aurait dans ce cas, une mission de ravitaillement et/ou de commandement ; 
  • enfin, il y a une possibilité d’action en zone littorale : emport de deux sous-marins de poche type SMX-26 (si toutefois le radier le permet) qui pourraient permettre d’économiser nos précieux SNA, malheureusement sur-utilisés comme le reste de la Marine (qui avait dû accepter de ne pas déployer de SNA dans l’Océan Atlantique pendant Harmattan), de commandos et éventuellement de missiles de croisière conteneurisés à travers des modules placés sur le pont d’envol. Les SNA pourraient peut-être même être soutenus par ce bâtiment.
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© DCNS. Le SMX-26, nouveau concept de sous-marin de DCNS. Les SMX-26 ou d’autres submersibles/sous-marins pourraient-ils constituer tout ou partie
du futur programme NCF de remplacement des La Fayette ? (cf. article)

Maintenant que le concept est défini, il serait peut-être possible de l’appliquer à l’échelon inférieur avec les programmes BATSIMAR, BMM et le remplacement des Floréals. Peut-être l’objet d’un prochain billet ?

Aurélien Joncour / Frost


Le Fauteuil de Colbert tient à remercier Frost de nous faire part de sa réflexion et est bien content de le voir publier ici, mais surtout sur le portail de  l'Alliance Géostratégique. Mais également, je remercie vivement Clarisse, la présidente d'AGS, pour l'aide apportée pour la publication du billet, qu'elle soit remerciée encore une fois.

03 janvier 2013

Vers un renouveau des moyens amphibies ? -1/2


Lycéen intéressé depuis toujours par les questions militaires, Frost a eu un jour l’occasion de commenter un article du Marquis de Seignelay (Le Fauteuil de Colbert) sur la logistique navale ; ce billet en deux parties est le développement de sa réflexion à partir de cette idée.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les Alliés débarquaient sur les plages de Normandie. La flotte qui permit de réaliser ce qui fut et est toujours considéré comme la plus grande opération amphibie de tous les temps comportait 6939 navires, dont 4126 navires de transport et 1600 navires de soutien.

Si aujourd’hui les grands débarquements de ce type ne sont plus à l’ordre du jour, la composante amphibie d’une marine est toujours considérée comme un important vecteur de force, à l’image du groupe aéronaval. De ce point de vue-là, la France dispose de capacités confortables avec les BPC Mistral, Tonnerre et Dixmude et dans une moindre mesure le TCD Siroco. Je dis dans une moindre mesure, car si ses capacités d’emport en véhicules sont supérieures (il embarque près d’une centaine de véhicules dont une vingtaine de chars lourds contre près de soixante véhicules et treize AMX-Leclerc pour le Mistral et ses sister-ships) et ce malgré un tonnage inférieur de moitié, le Mistral est bien mieux pourvu au niveau aéronautique (capacité d’accueil de 16 hélicoptères et 6 spots de décollage, contre 4 spots et un hangar pour 4 hélicoptères sur le Siroco), ainsi que pour les fonctions de commandement et de centre de soins.

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© Ministère de la Défense. Le PC du Mistral.

Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence pour la Marine Nationale d’avoir un 4e BPC (le Livre Blanc de 2008 dit la chose suivante: « En outre, elle [la Marine] renforcera ses moyens de déploiement naval et d’action amphibie à l’occasion du renouvellement des bâtiments, en se dotant de quatre bâtiments de projection et de commandement »). Pourquoi donc ? Plusieurs raisons à cela : • un 4e BPC n’apporterait aucun avantage significatif au niveau de la projection. Par exemple, est-il utile de disposer de 4 centres de commandement, gâchant ainsi 850 mètres carrés qui seraient mieux employés à transporter plus de troupes ou plus de matériels ?

• les installations aéronautiques paraissent elles aussi un peu surdimensionnées, en regard du nombre d’appareils de L’ALAT. Si 3 BPC étaient utilisés au maximum de leurs capacités aéronautiques, ils monopoliseraient plus du tiers du parc de NH-90 et plus du quart du parc de Tigres (si l’on excepte les éventuelles réductions de commandes ou mises sous cocon)

• toujours dans cette optique de comparaison avec un TCD, les deux navires ont la même capacité d’emport de troupes (de 450 à 500 hommes), même si le Siroco est moitié moins volumineux. Ne vaudrait donc-t-il pas mieux réduire un peu certaines capacités propres au BPC, pour concevoir un navire plus polyvalent (en fait la fusion des TCD et des BPC) ?

Un autre format possible

C’est bien la pensée de Benoist Bihan, rédacteur de la revue Histoire et Stratégie, qui, dans le DSI hors-série sur la maritimisation, disait : « la densification des capacités amphibies [...]: une structure à 3 BPC plus 3 « BPC moins » délaissant Hôpital et PC pour une capacité d’emport en troupes et matériels supplémentaire, destinés à opérer en binôme avec les premiers, serait à terme sans doute plus performante qu’une structure à 4 BPC ».

Il s’agit de sacrifier les capacités n’ayant pas besoin d’être doubles au sein d’une même escadre (Poste de Commandement et Hôpital) ou celles qui, au vu de la situation de l’armée de Terre, paraissent inutiles (l’emport en hélicoptères), au profit d’autres capacités plus ou moins abandonnées avec le retrait des TCD (une plus forte quantité de véhicules et de troupes qui, pour l’instant, demeurent assez nombreux dans la Grande Muette).

Cependant cette proposition n’est à mon sens pas exempte de défauts : par exemple, le dernier DSI insiste lourdement sur la réduction des effectifs de l’armée de terre. Il faudrait donc peut-être réduire le volume de troupes embarquées au profit d’un meilleur soutien pour ces dernières (échanger de l’espace pour du temps, soit réduire les effectifs pour les amener à durer dans le temps). Ce sera l’objet d’un prochain point.

La proposition de Benoist Bihan basée sur 3 BPC-moins ou encore 3 TCD NG (Nouvelle Génération) opérant en binôme avec les 3 BPC classiques permettrait donc de former 3 groupes amphibies. Cette proposition est intéressante car elle rassemble de grandes unités amphibies qui se soutiennent mutuellement (on retrouve bien ici la sempiternelle expression «le tout est plus que la somme des parties»).

Trop de porte-hélicoptères et pas assez de bâtiments de débarquement ?

Si l’on compare nos capacités avec celles d’autres pays européens :
• la Grande-Bretagne dispose d’un LPH (Porte-Hélicoptère d’Assaut) l’HMS Ocean, qui serait l’équivalent de nos BPC, et de 5 LPD (Transport de Chalands de Débarquement) 2 classe Albion et 3 classe Bay, tous plus grands que leurs équivalents français de classe Foudre ;
• l’Italie a, en plus de son navire amiral le Cavour (LHA : Porte Hélicoptère d’Assaut apte à la mise en œuvre d’appareils STOVL), 3 LST (Bâtiments de Débarquement de Chars) moitié moins grands que le Siroco ;
• l’Espagne possède elle aussi un LHA : le Juan Carlos et 2 Transport de Chalands de Débarquement de taille similaire aux LPD français.

On voit donc bien que le «tout LHD» n’a été adopté par aucun pays européen. C’est une chose logique, car la doctrine classique en matière de guerre amphibie est d’avoir un navire doté d’un pont plat (porte-avion, LHA, ou LHD) qui soit apte à la mise en œuvre d’aéronefs ou d’hélicoptères de combat. Son rôle est de soutenir le débarquement, en étant à la fois PC, hôpital et appui-feu.

Les autres bâtiments (l’escorte mise à part) sont des LPD, des LSD ou des LST. Ils sont les clefs de voûte de l’opération, en concentrant hommes et matériels. La structure française apparaît donc déséquilibrée. La presse spécialisée ne s’y trompe pas : DSI soulignait récemment que « LSD et LPD sont les compléments indispensables aux porte-hélicoptères amphibies, une leçon que plusieurs marines européennes négligent ».

Avons-nous donc raison seuls contre tous ?

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© Global Security.
Expeditionary Strike Group 3
, une des Marine Expeditionary Unit.

L’exemple en la matière est américain, ci-dessus un Marine Expeditionary Unit (Groupe amphibie américain) typique : un LHD classe Wasp, un LSD classe Harpers Ferry et un LPD classe Austin. Les Américains disposent d’un outil efficace et bien rodé. Certes, il y a une différence notable au niveau du budget et les LHD sont sans doute le meilleur compromis pour une marine ne pouvant se payer qu’un type de bâtiment. Ils permettent à la France d’être un des pays les plus capables en termes de capacités amphibies, un peu comme l’aéronavale où les Français restent parmi les meilleurs au monde (en fait deuxièmes derrière l’US Navy). Toutefois, l’absence de LPD/LST déséquilibre les capacités de projection françaises.

Un possible recoupement avec la flotte logistique ?

Un groupe amphibie a des besoins logistiques et est donc traditionnellement constitué de bâtiments d’escorte, du ou des navires principaux mais aussi de navires de soutien. Les seuls navires de soutien encore utilisés par la Marine Nationale de nos jours sont les pétroliers ravitailleurs de classe Durance, mis en service entre 1980 et 1990. Leur remplacement est actuellement engagé et le favori pour ce programme est le concept BRAVE de DCNS. D’après le site Mer et Marine, « les futurs navires français doivent non seulement remplacer le PR et les BCR, mais également compenser le désarmement, en 2009, du bâtiment de soutien mobile Loire et du bâtiment atelier Jules Verne. Le nouveau BL devra donc être à même de disposer de locaux aptes à effectuer des réparations.»

Mais de nombreux autres bâtiments de soutien étaient encore usités il y a peu par la Marine :
Le Rhin, le Rhône, la Rance, la Garonne et la Loire précédemment citée. Ces cinq navires forment les Bâtiments de Soutien Mobile (BSM).

C’est donc bien une perte de capacité car les 4 BRAVE devront remplacer les 4 pétroliers ravitailleurs classe Durance (5 construits mais le plus ancien cédé à la marine chilienne), le Bâtiment-Atelier Jules Verne et les 5 BSM. La France n’aura donc plus d’ateliers hauturiers dédiés (les Américains en ont même pour leurs SSGN). Certes les BRAVE seront polyvalents, auront une meilleure disponibilité et seront plus gros, ce qui permettra de loger plus de personnels et d’équipements, mais il n‘auront sûrement pas le don d’ubiquité (on parle quand même de remplacer 11 navires par 4).

Si on se base sur une disponibilité de 66%, on a en permanence à la mer 2 BPC ; 2,6 BRAVE ; 0,6 PA et 0,6 TCD. Soit à peu près 2,5 navires de soutien pour 3 groupes (amphibies ou aéronavals) potentiels. Et ce sans compter que, parfois, les BCR (Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement) sont utilisés seuls (la Marne était la participation française avec la frégate Aconit à l’opération européenne Atalante). On peut bien sûr regrouper des navires (2 BPC ou 1 TCD et 1 BPC par exemple), mais ce n’est pas la solution optimale en matière de souplesse d’utilisation.

Par contre, s’il était possible de regrouper les fonctions de navire atelier, de navire ravitailleur et de TCD auxiliaire en un seul bâtiment, il fournirait un soutien très appréciable au groupe amphibie de par ses capacités logistiques, tout en étant un multiplicateur de force au niveau de la projection. Dans une configuration en solitaire, ses ateliers et entrepôts permettraient à un ou deux SGTIA de durer à la mer, les moyens de débarquement/aéroportés permettant d’apporter les consommables nécessaires à la mission (soutenir deux SGTIA prépositionnés dans le Golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe, par exemple).

La Marine garderait des ravitailleurs «classiques» (comme le BRAVE) pour le soutien du ou des GAN et commanderait des bâtiments logistiques/de projection destinés à opérer en binôme avec les 3 BPC.

Enfin, la construction rapide de ces trois ou quatre navires, de surcroît reprenant la base éprouvée du BPC, pourrait sans doute raisonnablement se faire avec les fonds prévus pour le BPC 4 et un ou deux BRAVE (avec donc des économies d’échelle à la clef).

La question de l’escorte

Les BPC sont traditionnellement accompagnés d’une frégate, souvent de classe Georges Leygues.

Or le nouveau groupe amphibie comprend deux vecteurs de force. Vu l’absence totale d’autoprotection des BPC, leur construction aux normes civiles et la quantité de matériels coûteux qu’ils transportent, on peut supposer qu’une seule frégate ne suffira pas à la protection de tout le groupe.

Il est de notoriété publique que le nombre et l’équipement des frégates de la Marine Nationale sont insuffisantes au vu des missions qui leurs sont allouées. Le format prévu pour 2020 consiste en effet en :
– deux frégates de défense aérienne classe Horizon
– deux frégates anti-aériennes de classe Cassard, remplacées plus tard par deux FREDA
– neuf frégates de lutte anti-sous-marine de classe Tourville et Georges Leygues remplacées progressivement par les FREMM ASM.
– cinq frégates furtives de classe La Fayette.

Tous ces bâtiments doivent assurer des missions aussi diverses et nombreuses que la protection de la FOST, des groupes aéronavals, amphibies et de guerre des mines, la patrouille dans la ZEE ou encore la représentation à l’étranger et ce, sans compter les périodes d’entretien et de modernisation. Si le programme NCF comprend un volet sous-marin classique, on pourra peut-être se permettre de ne plus baser que trois frégates (donc deux en permanence) ASM à Brest. Il en faut 4 pour la protection des GAN, il nous en reste donc deux.

De plus, si les futurs PA2 et 3 sont équipés d’Aster 15 comme le CDG, les deux Horizons pourraient suffire pour les groupes aéronavals. Il resterait là aussi deux FREDA. L’idéal serait peut-être de commander une frégate ASM et une FREDA supplémentaires pour pouvoir en poster une par groupe amphibie. Si, en plus, les FREDA sont aptes à la lutte antibalistique, on pourrait distinguer deux échelons de protection : le premier en temps de paix avec seulement la frégate ASM (les FREDA sont alors utilisées en tant que piquet antibalistique dans le cadre du bouclier anti-missiles européen) ; le second en temps de guerre, où cette dernière vient renforcer le groupe amphibie en lui procurant une protection antiaérienne supplémentaire.

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/FREMM_ER.jpgLa FREMM ER – crédits : DCNS.

Le cas du TCD Siroco

Celui-ci serai plutôt basé à Djibouti où, après quelques transformations, il serait utilisé en Bâtiment-Base de la Flotte de l’Océan Indien, avec pourquoi pas, entre une et trois frégates La Fayette pour servir d’escorte. Les quelques transformations seraient par exemple une réduction du radier, l’installation de réservoirs de carburant et de portiques de ravitaillement pour donner des capacités additionnelles de support logistique. Il y aurait également, parmi les transformations, l’installation d’un Poste de Commandement identique à celui des BPC à l’exemple de l’USS Ponce.


3 ou 4 exemplaires de ce navire, associés aux 3 BPC, permettraient de former autant de groupes amphibies autonomes sur le plan logistique.
Avec les deux pétroliers-ravitailleurs classiques type BRAVE, ils permettraient de remplacer les 4 pétroliers-ravitailleurs classe Durance, le 4e BPC et le Bâtiment-Atelier Jules Verne.
(partie 1/2 – à suivre)

Le Fauteuil de Colbert tient à remercier Frost de nous faire part de sa réflexion et est bien content de le voir publier ici, mais surtout sur le portail de  l'Alliance Géostratégique. Mais également, je remercie vivement Clarisse, la présidente d'AGS, pour l'aide apportée pour la publication du billet, qu'elle soit remerciée encore une fois.

29 décembre 2012

Un nouveau triptyque pour l'Archipel et l'action de la France ?


http://tinyurl.com/cxfbyvj


Accepter la géographie de son pays n'est pas une chose si aisée. Bien des personnes se complaisent à croire que la France est un hexagone. D'autres répondent que les « territoires français d'Europe » forment, effectivement, une telle figure géométrique à six côtés. Mais, poussant plus loin le regard sur la carte, ils ne peuvent s'empêcher de montrer que la France est un Archipel présent sur tous les océans ou presque (manque l'Arctique), sur tous les continents ou presque (manque l'Asie). Le barycentre de cette construction politique (et même démocratique car bien des îles ont voté une fois, voire deux fois, leur rattachement à la France) serait l'île de la Réunion.

Nôtre construction géographique nationale, qui s'est donc faite aussi bien par le sang et les larmes que par la bulletin de vote, est donc un Archipel entouré par maints océans et maintes mers. Qui plus est, notre assise principale se situe sur un continent, l'Europe (même si notre plus longue frontière terrestre est en Amérique du Sud). Bien des soubresauts ont fait que la construction de cet archipel dépendait de la préservation du socle français en Europe des invasions, des menaces et surtout de l'encerclement. La menace des Habsbourg se matérialisera à nouveau à l'issue de la Bataille de France de 1940 quand l'Allemagne avait envahi la moitié Nord du pays, l'Italie tentait d'entrer par les Alpes et Espagne et Angleterre nous étaient hostiles pour diverses raisons. La seconde guerre mondiale une fois achevée, et la Guerre froide révolue, une première historique se produisit : grâce à la paix, grâce à la construction européenne, gage de paix, la France s'est construite une insularisation artificielle en Europe. A la manière des longs murs de l'Antique Athènes, l'Archipel France a achevé d'être entièrement maritime quand la menace continentale européenne a disparu à la chute du Mur de Berlin.

Cette construction géographique suppose une défense. Là, c'est une exigence constitutionnelle1. Héritage des dynasties royales qui ont gouverné la France, la Révolution n'a en rien enlevé au chef d'Etat républicain la responsabilité, plus que de défendre les intérêts de la France et des français, le soin de préserver l'intégrité territoriale du royaume, puis de la République. Cette dernière est une et indivisible.
Et pour Défendre la France, Paris a à sa disposition plusieurs forces armées :
  • la Gendarmerie nationale2 (huit siècles d'histoire),
  • l'Armée (de Terre, dont l'histoire remonte à la levée d'une armée royale permanente sous Charles VII au XVe siècle),
  • la Marine nationale (remontant à Richelieu (XVIe siècle, ou à moins qu'il ne faille remonter au XIVe siècle et la Guerre de Cent ans),
  • l'Armée de l'Air (1934).
Ces quatre forces armées principales se sont organisées de diverses manières au cours de l'Histoire afin de préserver tout ce qui était Franc, puis France.

A l'heure actuelle, et donc depuis la chute du Mur de Berlin, il s'agit d'articuler ces forces pour ne plus se défendre contre une invasion continentale, mais bien pour porter le glaive là où la menace apparaît. En effet, si les dangers ne sont plus aux frontières, ils n'ont pas pour autant disparus. Qui plus est, il s'offre alors deux choix :
  • soit se replier géographiquement sur l'Archipel ou, pire, sur les seuls territoires français d'Europe,
  • soit de s'attaquer au centre de gravité des crises qui apparaissent pour éviter qu'elles dégénèrent, voire de les étouffer.
Après trois livres blancs (1972, 1994 et 2008), et bientôt un quatrième (2013), et une pratique de l'usage de la force assidue depuis 1945, il apparaît clairement que la défense en avant est un choix constant en France. Qui plus est, il s'est mêlé depuis 1945 les guerres de décolonisation avec celles, plus ou moins officielles, plus ou moins clandestines, destinées à la protection de nos intérêts de part le monde (non pas que les guerres de décolonisation ne concernaient pas nos intérêts). Dans cette perspective, il y avait un triptyque qui était utilisé :
  • la diplomatie de défense (initiée par la signature des accords et partenariats de défense avec nombre d'anciennes colonies africaines).
  • le prépositionnement des forces de par les colonies,
  • le positionnement d'un contingent lors d'un conflit déclaré.

Bien entendu, cette disposition ne plus durer : les colonies ne sont plus et le prépositionnement des forces a été revu à la baisse, souvent plus par raisons budgétaires que par choix. La réduction de notre voilure territoriale en Afrique n'est pas sans conséquence sur nos modes d'actions. Par exemple, l'entretien du 2e Corps d'Armée en Allemange (force de réserve de l'OTAN) se produit peu de temps après la fin de presque toutes les indépendances de nos colonies. Les moyens qui lui étaient adjoints pour assurer son action étaient adaptés à une action centre-européenne. En plus, en France, les processus militaire, économique et politique font que le matériel choisit l'est pour toutes les unités, souvent. Un décalage est apparu et s'est alors élargi au fur et à mesure des décolonisations et de la réduction de voilure en matière de prépositionnement. La profondeur d'action allouée au 2e Corps d'Armée, ce n'est pas la même échelle que la projection ou le déplacement d'unités en Afrique. Si bien que de 1962 à 1978, la mobilité de nos forces ne fera que se confronter à des bases de moins en moins nombreuses pour une allonge presque inchangée en matière de projection aérienne, entre autre exemple. Un appareil comme le Transall est d'une utilité certaine pendant l'opération Manta (1983-1984) au Tchad :
  • pour relier l'aéroport de Ndjamena aux forces déployés,
  • mais certainement pas pour relier cet aéroport à la métropole où il faudra faire appelle aux gros porteurs des compagnies sous pavillon national et étrangers.

Il manquait là un avion de charge au rayon d'action stratégique. Tout comme la détention pendant ce conflit par les forces françaises envoyées au Tchad de missiles balistiques de courte portée à charge conventionnelle (système Pluton), aurait été une menace à prendre en compte par Tripoli contre ses bases aériennes (du contournement de la puissance aérienne) et concentrations de forces (le pouvoir libyen soutenait alors les forces adverses).

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© Inconnu.

C'est justement dans cette problématique que nous trouvons l'Archipel France : il y a la nécessité absolue (à moins de violer la Constitution) de préserver l'intégrité du territoire national. La Guerre des Malouines nous donne une démonstration effroyable de ce que cela signifie :
  • quand l'archipel britannique de l'Atlantique Sud était envahi à la « surprise » générale,
  • la Prime minister craignait une action espagnole contre Gibraltar.
Plus généralement, en dehors de ce « devoir premier de l'Etat » comme disait le général De Gaulle, il y a nécessité de préserver les îlots d'intérêts français de par le monde.

De tout cela, il découle que la défense l'Archipel France suppose que :

Les unités de ces forces armées sont dispersées à travers l'Archipel France. Il s'agit donc de parvenir, pour agir, à résoudre le problème de la concentration qui agite les stratèges depuis Sun Tzu ou Sun Bim jusqu'aux penseurs contemporains (soit 2500 ans de réflexions). L'économie des forces de Foch nous enseigne une leçon bien utile à la plasticité qui est exigée par la stratégie de l'action (général Beauffre) menée depuis un Archipel :

« Le principe de l'économie des forces, c'est au contraire l'art de déverser toutes ses ressources à un certain moment sur un point ; d'y appliquer toutes ses troupes, et pour que la chose soit possible, de les faire toujours communiquer entre elles, au lieu de les compartimenter et de les affecter à une destination fixe et invariable. Puis, un résultat obtenu, de 1es faire de nouveau converger et agir contre un nouveau but unique ».

C'est pourquoi, au final, il faut pour défendre l'Archipel France un front mêlé de vaisseaux, d'aéronefs et de régiments, dispersés à travers tous les territoires de France. Lorsqu'une crise survient, ils doivent pouvoir, à partir de leurs structures d'actions et de forces, pouvoir concentrer le volume de forces et de feu à l'épicentre de la crise. Cet exercice exigeant, car d'ampleur mondial, appelle donc à un nouveau triptyque :
  • diplomatie de défense,
  • prépositionnement « fixe » des forces, soit les bases sur le territoire national (qui peut se trouver à la jonction de la préservation de nos frontières et de nos intérêts à l'étranger) et celles entretenues à l'étranger,
  • le prépositionnement « dynamique des forces ».

La diplomatie de Défense permet d'entretenir des forces étrangères à des volumes et niveaux qui doivent nous permettre, indirectement par un allié, dissuader toutes tentations de déstabiliser un état de fait qui nous est favorable. C'est un ensemble de travaux qui a été le fait des unités de l'action clandestine pendant un temps. Puis, ce sont les forces spéciales qui ont héritées de ce type de missions5. Mais, les hommes de l'action clandestine comme ceux des actions spéciales font face à des tâches qui dépassent leur maigre volume de forces car unités d'élites. C'est pourquoi il serait plus judicieux, selon la pensée des auteurs d'un rapport fait pour l'IRSEM sur la formation des forces armées étrangères6, de confier ces formations à des unités conventionnelles. Celles-ci, détentrices de savoir-faire très spécifiques (du parachutage des forces à l'action amphibie) auront le volume nécessaire pour le faire (et ainsi décharger les unités aux missions très spécifiques précitées). Les unités conventionnelles bénéficieront de retours d'expériences et de la possibilité à démultiplier leur forme de forces grâce à cette capacité à s'injecter dans une armée alliée (là où les coalitions de circonstance sont d'une solidité toute relative).

Le prépositionnement fixe de nos forces permet de raccourcir, par leur déconcentration, les délais pour les mettre en œuvre. Cela nécessite un savant maillage de nos bases, les matériels nécessaires pour les relier entre elles (d'où le passage du Transall à l'A400M) et suffisamment d'hommes et de femmes pour armer ces points. Le dosage est particulièrement exigeant puisqu'il faut pouvoir dégarnir ponctuellement plusieurs bases pour en renforcer une ou créer un point d'action. C'est ce qui se passe pour, avec une grande réactivité, constituer une force française de manœuvre en République Centrafricaine.
Généralement, la concentration réactive des forces prépositonnées passent par l'assaut vertical.

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L'avenir des forces amphibies est-il à la constitution de groupes constitués autour d'un BPC et d'une unité navale mêlant capacités amphibies et logistiques, à l'instar du Karel Doorman néerlandais ?

Le prépositionnement dynamique des forces est une chose nouvelle. Il s'agit d'utiliser des groupes navals de la Marine, non pas pour constituer une ceinture dynamique de « forts mobiles » pour préserver nos frontières, mais bien pour créer de véritables bases flottantes donc mobiles servant à la projection de forces. Ce n'est ni plus ni moins qu'une base, mais qui est capable de se mouvoir d'un point à l'autre du globe. Cette souplesse permise par la mer sert aussi bien à renforcer le dispositif de bases ou à combler un manque que, et c'est tout aussi important, de s'affranchir des contraintes imposées par l'adversaire. C'est tout l'intérêt du groupe aéronaval, par exemple, mais aussi de l'action du Tonnerre pendant la crise ivoirienne. Le navire amphibie permettait d'entretenir des forces aéromobiles en mer dont l'action ne pouvait être entravée par les institutions ivoiriennes, comme celles de la Force Licorne.
Si le temps de la mer est long, la possibilité de positionner ces forces au large de la crise permet donc de raccourcir le délai d'intervention. L'assaut peut être autant horizontal (opération amphibie) que vertical (offensive aéromobile via les hélicoptères de manœuvre (d'où les craintes liées aux déficits en la matière).
La maîtrise de ces opérations nécessitent un tel savoir-faire qu'il existe un corps dédié à l'amphibie aux Etats-Unis par exemple : l'US Marines Corps. Des voix se font entendre pour proposer une réforme des Troupes de Marines afin d'aller dans ce sens.

La concentration des forces dans l'Archipel exige donc cette plasticité pour détendre nos unités aux endroits judicieux pour préserver le territoire national et nos intérêts jusqu'au moment où il faut tendre le dispositif vers un point de concentration.
La Marine tient une place particulière puisqu'elle trouve dans ce dispositif son rôle historique de préservation des voies de communication (navales mais aussi aériennes, spatiales et cybernétiques), mais avec l'Armée de l'Air, elle partage les missions de projections de puissance et de forces vers la Terre. Si la puissance navale peut aider à forcer obtenir la décision en réduisant la liberté de manœuvre de l'adversaire ou en le tournant, ce sont bien les forces terrestres qui vont la chercher, cette décision, à terre.



1 "La Marine nationale, première force armée garante de l'intégrité territoriale de la France", le Fauteuil de Colbert, 30 août 2012.
2 "Archipel France : action combinée entre Marine et Gendarmerie", Pas d'argent, pas de Suisses pour le Fauteuil de Colbert, 13 décembre 2012.
3 " La question de la base française au Niger cache-t-elle celle de l'avenir de l'Armée de Terre ?", le Fauteuil de Colbert, 1er août 2012.
4 "L’insécurité peut-elle ruiner l’essor des outre-mer ?", une tribune du CE Romain Champenois", Lignes de Défense, 14 décembre 2012. 
5 " La France et les opérations spéciales", Eric Dénécé et Nicolas Warney, ISC.
6 " Réinventer notre diplomatie de Défense – Faire autrement pour faire faire", Georges-Henri Bricet des Vallons & Nicolas Mazzucchi, Alliance Géostratégique.