Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





16 janvier 2013

Projeter les chars Leclerc au Mali ? Engagement à enjeux multiples

© Inconnu.
A travers les lignes qui vont suivre, il va être tenté de montrer que la projection de chars Leclerc ne relève pas d'une évidence opérationnelle folle. Mais le recours à ce matériel symbolique peut être l'accomplissement d'un processus politico-diplomatique où la France s'engage seule, dans l'urgence, mais avec la bénédiction de la communauté internationale. A ce moment-là, les vertus de l'intervention nationale vis-à-vis des coalitions reviennent sur le devant de la scène. Et le recours à des attributs de la puissance ne sont pas à négliger pour marquer durablement les esprits. Enfin, la place particulière d'un système d'arme comme le Leclerc peut en faire un enjeu politico-militaire quand il s'agit de l'utiliser. A ce moment là, le char Leclerc incarne la détermination nationale.

04 janvier 2013

Vers un renouveau des moyens amphibies ? -2/2


Je vais maintenant décrire le TCD NG tel que je l’avais défini précédemment (début de l’article ici):

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© Frost.

Quelle conception pour un tel navire ?

Le TCD NG distinguerait par :
- une bonne capacité d’emport en carburant ;
- un radier plus grand que celui du Mistral (environ 110 m de long pour l’accueil de 3 EDAR, ou 2 EDAR XL ou 2 SMX-26 ou 2 patrouilleurs d’environ 50 m) ;
- une capacité d’emport en personnels supérieure à celle du BPC (environ 900 personnes) ;
- une capacité aéronautique inférieure (de 4 à 10 appareils) ;
- aucune ou très peu de capacités en matière de commandement ou médicales ;
- un espace pour l’emport de conteneurs (comme sur le BRAVE).

Voici le TCD NG tel que je le verrais :

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© Frost.

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© Frost.

Maintenant si on détaille un peu :

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© Frost.

Le pont d’envol (noir) a été fractionné en deux parties :
• la première, la plus basse permet la mise en oeuvre de 4 aéronefs avec 2 spots d’appontage,
• la seconde possède trois spots pour 6 aéronefs.

La raison ? Dans son rôle de TCD auxiliaire, le navire permettra la mise en œuvre de 10 hélicoptères moyens, mais quand il sera utilisé en mode navire atelier, ravitailleur ou encore navire humanitaire, cette capacité sera superflue et le pont d’envol supérieur pourra servir d’aire de stockage pour des conteneurs ou des modules.

La partie atelier (violet) communique avec le pont d’envol et le radier par l’ascenseur du navire. Elle accueille diverses machines-outils pour la maintenance des navires de la flotte (mais pas celle des aéronefs, assurée à bord des BPC). Les ateliers permettent aussi la maintenance des équipements du détachement de l’armée de Terre.

La zone de stockage des véhicules (orange) communique avec le radier par deux rampes (seule l’une est visible, l’autre est cachée par la coupe). Un quai de chargement situé le long du radier du côté des rampes permet le chargement des chalands par transbordage.

Le radier (bleu) mesure 110 mètres de long et peut donc accueillir 3 EDAR, 2 sous-marins SMX-26, 2 EDAR XL (d’environ 50 mètres de long) ou encore deux patrouilleurs (d’environ 50 mètres de long). Sa largeur est d’environ 20 mètres pour permettre l’accueil des patrouilleurs ou des SMX-26.

La zone d’habitation (jaune) permet de loger deux fois plus de personnes qu’un BPC et dans des conditions de confort similaires, grâce au bossage situé à l’avant et récupérant l’emplacement du spot numéro 1.

La coque est quasiment identique sauf pour la largeur, en augmentation pour contenir le radier agrandi, le quai de chargement et les réservoirs de fluides/stocks de pièces, de munitions et de vivres. L’appareil propulsif est le même.

L’armement comprendrait :
- 4 mitrailleuses de 12.7 mm (repérées en vert)
- 2 canons de 20 mm (repérés en rose)
- 1 CIWS à base d’un canon RapidFire de 40 mm (voir article) et de missiles MICA VL (plus performants que les Mistrals) implanté à l’emplacement orange. Ce CIWS sera éventuellement complété par des lanceurs Simbad ou Tetral.

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© Frost.

Ce navire peut donc être considéré comme un mélange entre le BPC-moins de Benoist Bihan et un ravitailleur-navire de débarquement comme le Karel Doorman de la marine néerlandaise.

Quel pourrait être le rôle de ce navire ?

Les missions actuelles des BCR :
- sa mission principale est de ravitailler à la mer en combustible, vivres ou munitions divers navires
- une autre mission est d’accueillir un État-major (seulement pour les trois derniers navires).

Les missions du bâtiment-atelier Jules Verne :
- le soutien technique (maintenance, assistance en cas d’avarie de combat)
- le ravitaillement (pièces de rechange, en munitions et gazole)
- le soutien médical (un hôpital complet de 240 m2 : 1 bloc opératoire, 16 lits, un caisson de décompression).

Les missions des BSM :
- soutien guerre des mines
- soutien mécanique et électricité
- soutien médical
- à mentionner aussi, des missions de soutien électronique et de soutien de sous-marins (je dis à mentionner, car si c’était la mission initiale, ces bâtiments ont surtout été utilisés en tant que navires-ateliers)
- il est important de dire que tous ces bâtiments avaient des capacités additionnelles de ravitaillement.

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Le soutien médical est pris en charge par les BPC et leur hôpital très performant (750 m2 de pont, comprenant 2 salles d’opération, une salle de radiologie et 69 lits), de même que les fonctions de commandement. À la limite, une zone comme le Hangar hélicoptère pourra être configurée pour ces missions additionnelles.

Reste donc :
- le ravitaillement (carburant, vivres, eau, munitions et pièces détachées)
- le soutien technique avec divers ateliers
- le soutien auprès d’un groupe de guerre des mines.

Maintenant il y a deux possibilités :
  1.  sacrifier le BPC 4 et un BRAVE : dans ce cas, l’objectif serait d’acheter 3 TCD NG, un par BPC. Les 3 ravitailleurs classiques restant serviraient au soutien du ou des GAN, du groupe de guerre des mines et éventuellement des grosses opérations amphibies.
  2. L’autre option est de sacrifier un BRAVE supplémentaire pour acheter quatre exemplaires du BPC-moins, les 3 premiers opérant de concert avec les BPC et le dernier étant utilisé soit en autonomie, soit pour le soutien du groupe des mines. Cette proposition est motivée par le fait avéré que nous n’aurons jamais plus de deux porte-avions dans la Marine Nationale et jamais les avions pour en équiper deux à la fois au maximum de leurs capacités (32 Rafale et 3 E-2 pour le PA2) (cf. article). Dans ce postulat, deux ravitailleurs (a fortiori plus grands que les classes Durance actuels) devraient suffire au soutien du/des groupes aéronavals.
Quel que soit le choix qui sera fait, on est assuré (du moins avec la commande de deux PA pour remplacer le Charles-de-Gaulle) d’avoir en permanence un groupe aéronaval et deux groupes amphibies complets : presque de quoi gérer un conflit majeur et une crise mineure – ce qui a failli se produire entre la crise de Côte d’Ivoire (décembre 2010/janvier 2011) et l’opération Harmattan (mars 2011/octobre 2011).

Vers une nouvelle doctrine d’emploi pour la guerre amphibie ?

Le but affiché est de permettre par l’union dans une même escadre d’un BPC, d’un TCD et de deux frégates de projeter et surtout de soutenir plus efficacement une opération amphibie :
  • les ateliers internes permettent la maintenance des navires du groupe amphibie. Le bâtiment en assure aussi le ravitaillement ce qui permet à l’escadre de durer à la mer ;
  • les logements supplémentaires permettraient d’embarquer potentiellement un GTIA entier, ce que ne pouvaient faire deux BPC, limités par un faible emport de troupes (les San Antonio américains embarquent par exemple 1,5 fois plus d’hommes que les BPC plus légers il est vrai de 5000 tonnes). Au cumul des capacités, il serait sans doute possible d’atteindre 1200 personnes embarquées soit quatre SGTIA ;
  • la surface des hangars des deux bâtiments permet d’emporter énormément de matériels. Or tout matériel en plus que ce soit des munitions, des vivres ou encore des véhicules augmente tout autant l’efficacité des troupes débarqués. De plus, on constate dans le secteur terrestre un alourdissement général des matériels (le VBMR de 20 tonnes est prévu pour remplacer un VAB en pesant 15). Le passage à ce type de structure en atténuera les effets ;
  • les deux navires étant assez semblables, on peut imaginer que durant une phase molle de l’opération, un des deux navires quitterait l’escadre pour aller échanger des troupes ou du matériel depuis un port allié (où ils auraient été acheminés par voie aérienne). L’autre bâtiment étant suffisant pour soutenir les troupes déjà engagées.
On assisterait en fait à une remise en cause de la stratégie amphibie : le TCD deviendrait le navire central de l’opération durant la partie débarquement (notamment grâce à son grand radier) et il cèderait cette place au BPC durant la partie soutien aux troupes débarqués à cause de ses absences pour aller se ravitailler afin de lui-même pouvoir ravitailler. Cette structure serait même potentiellement plus économique car elle requerrait 2 navires (BPC et TCD) contre 3 pour une structure classique (BPC, BPC ou TCD et ravitailleur).

Maintenant, revenons sur les configurations de ce bâtiment :
  • le soutien aux BPC, dans ce cas, Le bâtiment accueille 10 hélicoptères de l’ALAT, 3 EDAR classiques ou 2 EDAR XL (d’environ 50 mètres de long) ainsi que divers matériels et personnels de l’Armée de Terre ; 
  • le soutien à une opération de déminage, dans ce cas, le radier accueille 2 chasseurs de mines Tripartites ou plus tard des drones. Les divers espaces de stockage abritent des locaux médicaux (soin aux plongeurs-démineurs), du matériel de déminage et des ateliers capables de la maintenance des chasseurs de mines (notamment de leur coque en fibre de verre). Le TCD a aussi une fonction de ravitaillement et de commandement des unités de guerre des mines. Les BCR ont aussi parfois cette mission.
http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/Pegase-Loire-Berneval.jpgRavitaillement la mer en 1986 pour le chasseur de mines tripartites Pégase et le dragueur océanique Berneval. Au centre, le Bâtiment de Soutien Mobile Loire.

  • une configuration où le bâtiment est seul ou navire principal de l’escadre est aussi possible (dans le cadre de la mission Corymbe, de la mission Atalante ou encore de la mission Jeanne d’Arc), même si les futurs BMM seront sans doute mieux dimensionnés pour cette mission. Il aurait dans ce cas, une mission de ravitaillement et/ou de commandement ; 
  • enfin, il y a une possibilité d’action en zone littorale : emport de deux sous-marins de poche type SMX-26 (si toutefois le radier le permet) qui pourraient permettre d’économiser nos précieux SNA, malheureusement sur-utilisés comme le reste de la Marine (qui avait dû accepter de ne pas déployer de SNA dans l’Océan Atlantique pendant Harmattan), de commandos et éventuellement de missiles de croisière conteneurisés à travers des modules placés sur le pont d’envol. Les SNA pourraient peut-être même être soutenus par ce bâtiment.
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© DCNS. Le SMX-26, nouveau concept de sous-marin de DCNS. Les SMX-26 ou d’autres submersibles/sous-marins pourraient-ils constituer tout ou partie
du futur programme NCF de remplacement des La Fayette ? (cf. article)

Maintenant que le concept est défini, il serait peut-être possible de l’appliquer à l’échelon inférieur avec les programmes BATSIMAR, BMM et le remplacement des Floréals. Peut-être l’objet d’un prochain billet ?

Aurélien Joncour / Frost


Le Fauteuil de Colbert tient à remercier Frost de nous faire part de sa réflexion et est bien content de le voir publier ici, mais surtout sur le portail de  l'Alliance Géostratégique. Mais également, je remercie vivement Clarisse, la présidente d'AGS, pour l'aide apportée pour la publication du billet, qu'elle soit remerciée encore une fois.

03 janvier 2013

Vers un renouveau des moyens amphibies ? -1/2


Lycéen intéressé depuis toujours par les questions militaires, Frost a eu un jour l’occasion de commenter un article du Marquis de Seignelay (Le Fauteuil de Colbert) sur la logistique navale ; ce billet en deux parties est le développement de sa réflexion à partir de cette idée.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les Alliés débarquaient sur les plages de Normandie. La flotte qui permit de réaliser ce qui fut et est toujours considéré comme la plus grande opération amphibie de tous les temps comportait 6939 navires, dont 4126 navires de transport et 1600 navires de soutien.

Si aujourd’hui les grands débarquements de ce type ne sont plus à l’ordre du jour, la composante amphibie d’une marine est toujours considérée comme un important vecteur de force, à l’image du groupe aéronaval. De ce point de vue-là, la France dispose de capacités confortables avec les BPC Mistral, Tonnerre et Dixmude et dans une moindre mesure le TCD Siroco. Je dis dans une moindre mesure, car si ses capacités d’emport en véhicules sont supérieures (il embarque près d’une centaine de véhicules dont une vingtaine de chars lourds contre près de soixante véhicules et treize AMX-Leclerc pour le Mistral et ses sister-ships) et ce malgré un tonnage inférieur de moitié, le Mistral est bien mieux pourvu au niveau aéronautique (capacité d’accueil de 16 hélicoptères et 6 spots de décollage, contre 4 spots et un hangar pour 4 hélicoptères sur le Siroco), ainsi que pour les fonctions de commandement et de centre de soins.

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© Ministère de la Défense. Le PC du Mistral.

Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence pour la Marine Nationale d’avoir un 4e BPC (le Livre Blanc de 2008 dit la chose suivante: « En outre, elle [la Marine] renforcera ses moyens de déploiement naval et d’action amphibie à l’occasion du renouvellement des bâtiments, en se dotant de quatre bâtiments de projection et de commandement »). Pourquoi donc ? Plusieurs raisons à cela : • un 4e BPC n’apporterait aucun avantage significatif au niveau de la projection. Par exemple, est-il utile de disposer de 4 centres de commandement, gâchant ainsi 850 mètres carrés qui seraient mieux employés à transporter plus de troupes ou plus de matériels ?

• les installations aéronautiques paraissent elles aussi un peu surdimensionnées, en regard du nombre d’appareils de L’ALAT. Si 3 BPC étaient utilisés au maximum de leurs capacités aéronautiques, ils monopoliseraient plus du tiers du parc de NH-90 et plus du quart du parc de Tigres (si l’on excepte les éventuelles réductions de commandes ou mises sous cocon)

• toujours dans cette optique de comparaison avec un TCD, les deux navires ont la même capacité d’emport de troupes (de 450 à 500 hommes), même si le Siroco est moitié moins volumineux. Ne vaudrait donc-t-il pas mieux réduire un peu certaines capacités propres au BPC, pour concevoir un navire plus polyvalent (en fait la fusion des TCD et des BPC) ?

Un autre format possible

C’est bien la pensée de Benoist Bihan, rédacteur de la revue Histoire et Stratégie, qui, dans le DSI hors-série sur la maritimisation, disait : « la densification des capacités amphibies [...]: une structure à 3 BPC plus 3 « BPC moins » délaissant Hôpital et PC pour une capacité d’emport en troupes et matériels supplémentaire, destinés à opérer en binôme avec les premiers, serait à terme sans doute plus performante qu’une structure à 4 BPC ».

Il s’agit de sacrifier les capacités n’ayant pas besoin d’être doubles au sein d’une même escadre (Poste de Commandement et Hôpital) ou celles qui, au vu de la situation de l’armée de Terre, paraissent inutiles (l’emport en hélicoptères), au profit d’autres capacités plus ou moins abandonnées avec le retrait des TCD (une plus forte quantité de véhicules et de troupes qui, pour l’instant, demeurent assez nombreux dans la Grande Muette).

Cependant cette proposition n’est à mon sens pas exempte de défauts : par exemple, le dernier DSI insiste lourdement sur la réduction des effectifs de l’armée de terre. Il faudrait donc peut-être réduire le volume de troupes embarquées au profit d’un meilleur soutien pour ces dernières (échanger de l’espace pour du temps, soit réduire les effectifs pour les amener à durer dans le temps). Ce sera l’objet d’un prochain point.

La proposition de Benoist Bihan basée sur 3 BPC-moins ou encore 3 TCD NG (Nouvelle Génération) opérant en binôme avec les 3 BPC classiques permettrait donc de former 3 groupes amphibies. Cette proposition est intéressante car elle rassemble de grandes unités amphibies qui se soutiennent mutuellement (on retrouve bien ici la sempiternelle expression «le tout est plus que la somme des parties»).

Trop de porte-hélicoptères et pas assez de bâtiments de débarquement ?

Si l’on compare nos capacités avec celles d’autres pays européens :
• la Grande-Bretagne dispose d’un LPH (Porte-Hélicoptère d’Assaut) l’HMS Ocean, qui serait l’équivalent de nos BPC, et de 5 LPD (Transport de Chalands de Débarquement) 2 classe Albion et 3 classe Bay, tous plus grands que leurs équivalents français de classe Foudre ;
• l’Italie a, en plus de son navire amiral le Cavour (LHA : Porte Hélicoptère d’Assaut apte à la mise en œuvre d’appareils STOVL), 3 LST (Bâtiments de Débarquement de Chars) moitié moins grands que le Siroco ;
• l’Espagne possède elle aussi un LHA : le Juan Carlos et 2 Transport de Chalands de Débarquement de taille similaire aux LPD français.

On voit donc bien que le «tout LHD» n’a été adopté par aucun pays européen. C’est une chose logique, car la doctrine classique en matière de guerre amphibie est d’avoir un navire doté d’un pont plat (porte-avion, LHA, ou LHD) qui soit apte à la mise en œuvre d’aéronefs ou d’hélicoptères de combat. Son rôle est de soutenir le débarquement, en étant à la fois PC, hôpital et appui-feu.

Les autres bâtiments (l’escorte mise à part) sont des LPD, des LSD ou des LST. Ils sont les clefs de voûte de l’opération, en concentrant hommes et matériels. La structure française apparaît donc déséquilibrée. La presse spécialisée ne s’y trompe pas : DSI soulignait récemment que « LSD et LPD sont les compléments indispensables aux porte-hélicoptères amphibies, une leçon que plusieurs marines européennes négligent ».

Avons-nous donc raison seuls contre tous ?

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© Global Security.
Expeditionary Strike Group 3
, une des Marine Expeditionary Unit.

L’exemple en la matière est américain, ci-dessus un Marine Expeditionary Unit (Groupe amphibie américain) typique : un LHD classe Wasp, un LSD classe Harpers Ferry et un LPD classe Austin. Les Américains disposent d’un outil efficace et bien rodé. Certes, il y a une différence notable au niveau du budget et les LHD sont sans doute le meilleur compromis pour une marine ne pouvant se payer qu’un type de bâtiment. Ils permettent à la France d’être un des pays les plus capables en termes de capacités amphibies, un peu comme l’aéronavale où les Français restent parmi les meilleurs au monde (en fait deuxièmes derrière l’US Navy). Toutefois, l’absence de LPD/LST déséquilibre les capacités de projection françaises.

Un possible recoupement avec la flotte logistique ?

Un groupe amphibie a des besoins logistiques et est donc traditionnellement constitué de bâtiments d’escorte, du ou des navires principaux mais aussi de navires de soutien. Les seuls navires de soutien encore utilisés par la Marine Nationale de nos jours sont les pétroliers ravitailleurs de classe Durance, mis en service entre 1980 et 1990. Leur remplacement est actuellement engagé et le favori pour ce programme est le concept BRAVE de DCNS. D’après le site Mer et Marine, « les futurs navires français doivent non seulement remplacer le PR et les BCR, mais également compenser le désarmement, en 2009, du bâtiment de soutien mobile Loire et du bâtiment atelier Jules Verne. Le nouveau BL devra donc être à même de disposer de locaux aptes à effectuer des réparations.»

Mais de nombreux autres bâtiments de soutien étaient encore usités il y a peu par la Marine :
Le Rhin, le Rhône, la Rance, la Garonne et la Loire précédemment citée. Ces cinq navires forment les Bâtiments de Soutien Mobile (BSM).

C’est donc bien une perte de capacité car les 4 BRAVE devront remplacer les 4 pétroliers ravitailleurs classe Durance (5 construits mais le plus ancien cédé à la marine chilienne), le Bâtiment-Atelier Jules Verne et les 5 BSM. La France n’aura donc plus d’ateliers hauturiers dédiés (les Américains en ont même pour leurs SSGN). Certes les BRAVE seront polyvalents, auront une meilleure disponibilité et seront plus gros, ce qui permettra de loger plus de personnels et d’équipements, mais il n‘auront sûrement pas le don d’ubiquité (on parle quand même de remplacer 11 navires par 4).

Si on se base sur une disponibilité de 66%, on a en permanence à la mer 2 BPC ; 2,6 BRAVE ; 0,6 PA et 0,6 TCD. Soit à peu près 2,5 navires de soutien pour 3 groupes (amphibies ou aéronavals) potentiels. Et ce sans compter que, parfois, les BCR (Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement) sont utilisés seuls (la Marne était la participation française avec la frégate Aconit à l’opération européenne Atalante). On peut bien sûr regrouper des navires (2 BPC ou 1 TCD et 1 BPC par exemple), mais ce n’est pas la solution optimale en matière de souplesse d’utilisation.

Par contre, s’il était possible de regrouper les fonctions de navire atelier, de navire ravitailleur et de TCD auxiliaire en un seul bâtiment, il fournirait un soutien très appréciable au groupe amphibie de par ses capacités logistiques, tout en étant un multiplicateur de force au niveau de la projection. Dans une configuration en solitaire, ses ateliers et entrepôts permettraient à un ou deux SGTIA de durer à la mer, les moyens de débarquement/aéroportés permettant d’apporter les consommables nécessaires à la mission (soutenir deux SGTIA prépositionnés dans le Golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe, par exemple).

La Marine garderait des ravitailleurs «classiques» (comme le BRAVE) pour le soutien du ou des GAN et commanderait des bâtiments logistiques/de projection destinés à opérer en binôme avec les 3 BPC.

Enfin, la construction rapide de ces trois ou quatre navires, de surcroît reprenant la base éprouvée du BPC, pourrait sans doute raisonnablement se faire avec les fonds prévus pour le BPC 4 et un ou deux BRAVE (avec donc des économies d’échelle à la clef).

La question de l’escorte

Les BPC sont traditionnellement accompagnés d’une frégate, souvent de classe Georges Leygues.

Or le nouveau groupe amphibie comprend deux vecteurs de force. Vu l’absence totale d’autoprotection des BPC, leur construction aux normes civiles et la quantité de matériels coûteux qu’ils transportent, on peut supposer qu’une seule frégate ne suffira pas à la protection de tout le groupe.

Il est de notoriété publique que le nombre et l’équipement des frégates de la Marine Nationale sont insuffisantes au vu des missions qui leurs sont allouées. Le format prévu pour 2020 consiste en effet en :
– deux frégates de défense aérienne classe Horizon
– deux frégates anti-aériennes de classe Cassard, remplacées plus tard par deux FREDA
– neuf frégates de lutte anti-sous-marine de classe Tourville et Georges Leygues remplacées progressivement par les FREMM ASM.
– cinq frégates furtives de classe La Fayette.

Tous ces bâtiments doivent assurer des missions aussi diverses et nombreuses que la protection de la FOST, des groupes aéronavals, amphibies et de guerre des mines, la patrouille dans la ZEE ou encore la représentation à l’étranger et ce, sans compter les périodes d’entretien et de modernisation. Si le programme NCF comprend un volet sous-marin classique, on pourra peut-être se permettre de ne plus baser que trois frégates (donc deux en permanence) ASM à Brest. Il en faut 4 pour la protection des GAN, il nous en reste donc deux.

De plus, si les futurs PA2 et 3 sont équipés d’Aster 15 comme le CDG, les deux Horizons pourraient suffire pour les groupes aéronavals. Il resterait là aussi deux FREDA. L’idéal serait peut-être de commander une frégate ASM et une FREDA supplémentaires pour pouvoir en poster une par groupe amphibie. Si, en plus, les FREDA sont aptes à la lutte antibalistique, on pourrait distinguer deux échelons de protection : le premier en temps de paix avec seulement la frégate ASM (les FREDA sont alors utilisées en tant que piquet antibalistique dans le cadre du bouclier anti-missiles européen) ; le second en temps de guerre, où cette dernière vient renforcer le groupe amphibie en lui procurant une protection antiaérienne supplémentaire.

http://alliancegeostrategique.org/wp-content/uploads/2013/01/FREMM_ER.jpgLa FREMM ER – crédits : DCNS.

Le cas du TCD Siroco

Celui-ci serai plutôt basé à Djibouti où, après quelques transformations, il serait utilisé en Bâtiment-Base de la Flotte de l’Océan Indien, avec pourquoi pas, entre une et trois frégates La Fayette pour servir d’escorte. Les quelques transformations seraient par exemple une réduction du radier, l’installation de réservoirs de carburant et de portiques de ravitaillement pour donner des capacités additionnelles de support logistique. Il y aurait également, parmi les transformations, l’installation d’un Poste de Commandement identique à celui des BPC à l’exemple de l’USS Ponce.


3 ou 4 exemplaires de ce navire, associés aux 3 BPC, permettraient de former autant de groupes amphibies autonomes sur le plan logistique.
Avec les deux pétroliers-ravitailleurs classiques type BRAVE, ils permettraient de remplacer les 4 pétroliers-ravitailleurs classe Durance, le 4e BPC et le Bâtiment-Atelier Jules Verne.
(partie 1/2 – à suivre)

Le Fauteuil de Colbert tient à remercier Frost de nous faire part de sa réflexion et est bien content de le voir publier ici, mais surtout sur le portail de  l'Alliance Géostratégique. Mais également, je remercie vivement Clarisse, la présidente d'AGS, pour l'aide apportée pour la publication du billet, qu'elle soit remerciée encore une fois.

29 décembre 2012

Un nouveau triptyque pour l'Archipel et l'action de la France ?


http://tinyurl.com/cxfbyvj


Accepter la géographie de son pays n'est pas une chose si aisée. Bien des personnes se complaisent à croire que la France est un hexagone. D'autres répondent que les « territoires français d'Europe » forment, effectivement, une telle figure géométrique à six côtés. Mais, poussant plus loin le regard sur la carte, ils ne peuvent s'empêcher de montrer que la France est un Archipel présent sur tous les océans ou presque (manque l'Arctique), sur tous les continents ou presque (manque l'Asie). Le barycentre de cette construction politique (et même démocratique car bien des îles ont voté une fois, voire deux fois, leur rattachement à la France) serait l'île de la Réunion.

Nôtre construction géographique nationale, qui s'est donc faite aussi bien par le sang et les larmes que par la bulletin de vote, est donc un Archipel entouré par maints océans et maintes mers. Qui plus est, notre assise principale se situe sur un continent, l'Europe (même si notre plus longue frontière terrestre est en Amérique du Sud). Bien des soubresauts ont fait que la construction de cet archipel dépendait de la préservation du socle français en Europe des invasions, des menaces et surtout de l'encerclement. La menace des Habsbourg se matérialisera à nouveau à l'issue de la Bataille de France de 1940 quand l'Allemagne avait envahi la moitié Nord du pays, l'Italie tentait d'entrer par les Alpes et Espagne et Angleterre nous étaient hostiles pour diverses raisons. La seconde guerre mondiale une fois achevée, et la Guerre froide révolue, une première historique se produisit : grâce à la paix, grâce à la construction européenne, gage de paix, la France s'est construite une insularisation artificielle en Europe. A la manière des longs murs de l'Antique Athènes, l'Archipel France a achevé d'être entièrement maritime quand la menace continentale européenne a disparu à la chute du Mur de Berlin.

Cette construction géographique suppose une défense. Là, c'est une exigence constitutionnelle1. Héritage des dynasties royales qui ont gouverné la France, la Révolution n'a en rien enlevé au chef d'Etat républicain la responsabilité, plus que de défendre les intérêts de la France et des français, le soin de préserver l'intégrité territoriale du royaume, puis de la République. Cette dernière est une et indivisible.
Et pour Défendre la France, Paris a à sa disposition plusieurs forces armées :
  • la Gendarmerie nationale2 (huit siècles d'histoire),
  • l'Armée (de Terre, dont l'histoire remonte à la levée d'une armée royale permanente sous Charles VII au XVe siècle),
  • la Marine nationale (remontant à Richelieu (XVIe siècle, ou à moins qu'il ne faille remonter au XIVe siècle et la Guerre de Cent ans),
  • l'Armée de l'Air (1934).
Ces quatre forces armées principales se sont organisées de diverses manières au cours de l'Histoire afin de préserver tout ce qui était Franc, puis France.

A l'heure actuelle, et donc depuis la chute du Mur de Berlin, il s'agit d'articuler ces forces pour ne plus se défendre contre une invasion continentale, mais bien pour porter le glaive là où la menace apparaît. En effet, si les dangers ne sont plus aux frontières, ils n'ont pas pour autant disparus. Qui plus est, il s'offre alors deux choix :
  • soit se replier géographiquement sur l'Archipel ou, pire, sur les seuls territoires français d'Europe,
  • soit de s'attaquer au centre de gravité des crises qui apparaissent pour éviter qu'elles dégénèrent, voire de les étouffer.
Après trois livres blancs (1972, 1994 et 2008), et bientôt un quatrième (2013), et une pratique de l'usage de la force assidue depuis 1945, il apparaît clairement que la défense en avant est un choix constant en France. Qui plus est, il s'est mêlé depuis 1945 les guerres de décolonisation avec celles, plus ou moins officielles, plus ou moins clandestines, destinées à la protection de nos intérêts de part le monde (non pas que les guerres de décolonisation ne concernaient pas nos intérêts). Dans cette perspective, il y avait un triptyque qui était utilisé :
  • la diplomatie de défense (initiée par la signature des accords et partenariats de défense avec nombre d'anciennes colonies africaines).
  • le prépositionnement des forces de par les colonies,
  • le positionnement d'un contingent lors d'un conflit déclaré.

Bien entendu, cette disposition ne plus durer : les colonies ne sont plus et le prépositionnement des forces a été revu à la baisse, souvent plus par raisons budgétaires que par choix. La réduction de notre voilure territoriale en Afrique n'est pas sans conséquence sur nos modes d'actions. Par exemple, l'entretien du 2e Corps d'Armée en Allemange (force de réserve de l'OTAN) se produit peu de temps après la fin de presque toutes les indépendances de nos colonies. Les moyens qui lui étaient adjoints pour assurer son action étaient adaptés à une action centre-européenne. En plus, en France, les processus militaire, économique et politique font que le matériel choisit l'est pour toutes les unités, souvent. Un décalage est apparu et s'est alors élargi au fur et à mesure des décolonisations et de la réduction de voilure en matière de prépositionnement. La profondeur d'action allouée au 2e Corps d'Armée, ce n'est pas la même échelle que la projection ou le déplacement d'unités en Afrique. Si bien que de 1962 à 1978, la mobilité de nos forces ne fera que se confronter à des bases de moins en moins nombreuses pour une allonge presque inchangée en matière de projection aérienne, entre autre exemple. Un appareil comme le Transall est d'une utilité certaine pendant l'opération Manta (1983-1984) au Tchad :
  • pour relier l'aéroport de Ndjamena aux forces déployés,
  • mais certainement pas pour relier cet aéroport à la métropole où il faudra faire appelle aux gros porteurs des compagnies sous pavillon national et étrangers.

Il manquait là un avion de charge au rayon d'action stratégique. Tout comme la détention pendant ce conflit par les forces françaises envoyées au Tchad de missiles balistiques de courte portée à charge conventionnelle (système Pluton), aurait été une menace à prendre en compte par Tripoli contre ses bases aériennes (du contournement de la puissance aérienne) et concentrations de forces (le pouvoir libyen soutenait alors les forces adverses).

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© Inconnu.

C'est justement dans cette problématique que nous trouvons l'Archipel France : il y a la nécessité absolue (à moins de violer la Constitution) de préserver l'intégrité du territoire national. La Guerre des Malouines nous donne une démonstration effroyable de ce que cela signifie :
  • quand l'archipel britannique de l'Atlantique Sud était envahi à la « surprise » générale,
  • la Prime minister craignait une action espagnole contre Gibraltar.
Plus généralement, en dehors de ce « devoir premier de l'Etat » comme disait le général De Gaulle, il y a nécessité de préserver les îlots d'intérêts français de par le monde.

De tout cela, il découle que la défense l'Archipel France suppose que :

Les unités de ces forces armées sont dispersées à travers l'Archipel France. Il s'agit donc de parvenir, pour agir, à résoudre le problème de la concentration qui agite les stratèges depuis Sun Tzu ou Sun Bim jusqu'aux penseurs contemporains (soit 2500 ans de réflexions). L'économie des forces de Foch nous enseigne une leçon bien utile à la plasticité qui est exigée par la stratégie de l'action (général Beauffre) menée depuis un Archipel :

« Le principe de l'économie des forces, c'est au contraire l'art de déverser toutes ses ressources à un certain moment sur un point ; d'y appliquer toutes ses troupes, et pour que la chose soit possible, de les faire toujours communiquer entre elles, au lieu de les compartimenter et de les affecter à une destination fixe et invariable. Puis, un résultat obtenu, de 1es faire de nouveau converger et agir contre un nouveau but unique ».

C'est pourquoi, au final, il faut pour défendre l'Archipel France un front mêlé de vaisseaux, d'aéronefs et de régiments, dispersés à travers tous les territoires de France. Lorsqu'une crise survient, ils doivent pouvoir, à partir de leurs structures d'actions et de forces, pouvoir concentrer le volume de forces et de feu à l'épicentre de la crise. Cet exercice exigeant, car d'ampleur mondial, appelle donc à un nouveau triptyque :
  • diplomatie de défense,
  • prépositionnement « fixe » des forces, soit les bases sur le territoire national (qui peut se trouver à la jonction de la préservation de nos frontières et de nos intérêts à l'étranger) et celles entretenues à l'étranger,
  • le prépositionnement « dynamique des forces ».

La diplomatie de Défense permet d'entretenir des forces étrangères à des volumes et niveaux qui doivent nous permettre, indirectement par un allié, dissuader toutes tentations de déstabiliser un état de fait qui nous est favorable. C'est un ensemble de travaux qui a été le fait des unités de l'action clandestine pendant un temps. Puis, ce sont les forces spéciales qui ont héritées de ce type de missions5. Mais, les hommes de l'action clandestine comme ceux des actions spéciales font face à des tâches qui dépassent leur maigre volume de forces car unités d'élites. C'est pourquoi il serait plus judicieux, selon la pensée des auteurs d'un rapport fait pour l'IRSEM sur la formation des forces armées étrangères6, de confier ces formations à des unités conventionnelles. Celles-ci, détentrices de savoir-faire très spécifiques (du parachutage des forces à l'action amphibie) auront le volume nécessaire pour le faire (et ainsi décharger les unités aux missions très spécifiques précitées). Les unités conventionnelles bénéficieront de retours d'expériences et de la possibilité à démultiplier leur forme de forces grâce à cette capacité à s'injecter dans une armée alliée (là où les coalitions de circonstance sont d'une solidité toute relative).

Le prépositionnement fixe de nos forces permet de raccourcir, par leur déconcentration, les délais pour les mettre en œuvre. Cela nécessite un savant maillage de nos bases, les matériels nécessaires pour les relier entre elles (d'où le passage du Transall à l'A400M) et suffisamment d'hommes et de femmes pour armer ces points. Le dosage est particulièrement exigeant puisqu'il faut pouvoir dégarnir ponctuellement plusieurs bases pour en renforcer une ou créer un point d'action. C'est ce qui se passe pour, avec une grande réactivité, constituer une force française de manœuvre en République Centrafricaine.
Généralement, la concentration réactive des forces prépositonnées passent par l'assaut vertical.

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L'avenir des forces amphibies est-il à la constitution de groupes constitués autour d'un BPC et d'une unité navale mêlant capacités amphibies et logistiques, à l'instar du Karel Doorman néerlandais ?

Le prépositionnement dynamique des forces est une chose nouvelle. Il s'agit d'utiliser des groupes navals de la Marine, non pas pour constituer une ceinture dynamique de « forts mobiles » pour préserver nos frontières, mais bien pour créer de véritables bases flottantes donc mobiles servant à la projection de forces. Ce n'est ni plus ni moins qu'une base, mais qui est capable de se mouvoir d'un point à l'autre du globe. Cette souplesse permise par la mer sert aussi bien à renforcer le dispositif de bases ou à combler un manque que, et c'est tout aussi important, de s'affranchir des contraintes imposées par l'adversaire. C'est tout l'intérêt du groupe aéronaval, par exemple, mais aussi de l'action du Tonnerre pendant la crise ivoirienne. Le navire amphibie permettait d'entretenir des forces aéromobiles en mer dont l'action ne pouvait être entravée par les institutions ivoiriennes, comme celles de la Force Licorne.
Si le temps de la mer est long, la possibilité de positionner ces forces au large de la crise permet donc de raccourcir le délai d'intervention. L'assaut peut être autant horizontal (opération amphibie) que vertical (offensive aéromobile via les hélicoptères de manœuvre (d'où les craintes liées aux déficits en la matière).
La maîtrise de ces opérations nécessitent un tel savoir-faire qu'il existe un corps dédié à l'amphibie aux Etats-Unis par exemple : l'US Marines Corps. Des voix se font entendre pour proposer une réforme des Troupes de Marines afin d'aller dans ce sens.

La concentration des forces dans l'Archipel exige donc cette plasticité pour détendre nos unités aux endroits judicieux pour préserver le territoire national et nos intérêts jusqu'au moment où il faut tendre le dispositif vers un point de concentration.
La Marine tient une place particulière puisqu'elle trouve dans ce dispositif son rôle historique de préservation des voies de communication (navales mais aussi aériennes, spatiales et cybernétiques), mais avec l'Armée de l'Air, elle partage les missions de projections de puissance et de forces vers la Terre. Si la puissance navale peut aider à forcer obtenir la décision en réduisant la liberté de manœuvre de l'adversaire ou en le tournant, ce sont bien les forces terrestres qui vont la chercher, cette décision, à terre.



1 "La Marine nationale, première force armée garante de l'intégrité territoriale de la France", le Fauteuil de Colbert, 30 août 2012.
2 "Archipel France : action combinée entre Marine et Gendarmerie", Pas d'argent, pas de Suisses pour le Fauteuil de Colbert, 13 décembre 2012.
3 " La question de la base française au Niger cache-t-elle celle de l'avenir de l'Armée de Terre ?", le Fauteuil de Colbert, 1er août 2012.
4 "L’insécurité peut-elle ruiner l’essor des outre-mer ?", une tribune du CE Romain Champenois", Lignes de Défense, 14 décembre 2012. 
5 " La France et les opérations spéciales", Eric Dénécé et Nicolas Warney, ISC.
6 " Réinventer notre diplomatie de Défense – Faire autrement pour faire faire", Georges-Henri Bricet des Vallons & Nicolas Mazzucchi, Alliance Géostratégique.

26 décembre 2012

L'objectif du combat naval est-il la destruction du navire adverse ?



Animation Flash


Il va être tenté de répondre à cette question par un survol de l'histoire des combats navals. Tout survol est forcément incomplet et emprunte des raccourcis qui peuvent donner l'impression de la contradiction. Cet écueil n'est pas forcément erroné puisque pour répondre correctement à cette question, il faudrait réellement effectuer ce voyage et les prises de position ou les constatations ne manqueraient pas d'évoluer.

Néanmoins, et ces prudences prises, un retour en arrière dans l'histoire des combats navals peut amener tout à un chacun à être surpris par un constat simple : envoyer par le fond le navire adverse, c'est très compliqué. Pire, quand c'était à portée, cela n'était pas non plus une volonté assumée et achevée puisque la perte du navire, même adverse, signifie potentiellement la perte d'un éventuel gain stratégique (les trésors du navire) et de son équipage. Et même la perte de l'équipage adverse tout entier, ou celle de nos équipages, n'est pas un fait assumé. Pourquoi donc le « choc » a été préférée au « feu » pour en finir lors d'une bataille bien souvent, ou plutôt, pourquoi le feu est-il d'un usage si modéré en mer ? Les possibilités du feu ne sont pas entièrement exploitées. Ce qui en amène au sujet du jour : en quoi, après le schéma qui va être dessiné, les armes à énergies dirigées permettent de poursuivre la recherche de certains buts, dans une certaine continuité historique.

Depuis l'Antiquité jusqu'au début du XIXe siècle, les galères furent utilisées par bien des marines. L'historien Philippe Masson n'hésite pas à écrire que ce fut un "règne interminable". Dans l'un de ses ouvrages, "De la Mer et de sa Stratégie" (aux éditions Tallandier), il décrit la place des galères dans l'Histoire et les marines, pourquoi elles perdurèrent, pourquoi elles disparurent.

La galère est un navire fin, élancé, rapide et non-ponté. Elle est l'expression matérielle du milieu où elle est appelée à naviguer : les mers fermées ou étroites. C'est-à-dire des mers sans vents ni courants réguliers, et sans marées. Grâce à ses deux modes de propulsion, elle peut aussi bien se passer du vent qu'en profiter. Ce n'est pas un mince choix pour un navire qui servira dans des mers où il n'y a pas de vents dominants. Ces derniers déterminent plus ou moins bien les routes navigables dans l'Océan. Mais dans les mers étroites ou fermés où ces vents dominants sont absents, le navire le plus utile est celui qui est le moins soumis aux aléas d'Eole.

In fine, c'est l'idée de la manœuvre qui transparaît puisque, sans évolutions nautiques, il n'est pas possible de manœuvrer. La dualité de la propulsion (qui perdure de nos jours sous d'autres formes) permet ces évolutions, et donc, de manœuvrer. C'est l'avantage essentiel et millénaire de la galère. Cependant, cette manœuvre est très exigeante : à travers les descriptions qui vont être faites de l'évolution matérielle de ce navire, il va être possible d'apprécier la difficulté à manœuvrer ce navire, voir ces navires en formation de combat. C'était un art que la mise en œuvre des galères.

En contre-partie à ces avantages, il faut dire que la galère n'était pas le moyen le plus indiqué pour la navigation hauturière dans l'Océan. Il faudra attendre la Galéasse.

Les premières utilisations militaires des galères se basent sur l'attaque à l'éperon. Il s'agit alors essentiellement de trirèmes et de birèmes. La manœuvre est si exigeante que Philippe Masson dit bien que l'on ne peut s'étonner qu'à partir de l'époque hellénistique l'abordage prenne le pas sur l'éperonnage. Il faudra attendre l'arrivée de la poudre pour voir une autre forme de combat supplanter l'abordage.

Ce changement de tactique se transpose dans la construction des galères. L'abordage est ou non préparé par des tirs d'artilleries : balistes ou catapultes. Celle-ci, l'artillerie navale, sera presque toujours basée à l'avant des galères. Le besoin d'une artillerie plus lourde se transpose mécaniquement par des navires plus lourds. Cet accroissement du tonnage et de la taille permet une meilleure tenue à la mer, ce qui n'est pas pour déplaire à l'artillerie, et permet la possibilité d'embarquer une plus grande compagnie d'abordage.

Les romains perfectionnent la technique grâce au covus: une passerelle rabattable dotée de grappins. Le covuss'abattait sur les navires adverses. Dès lors, la manœuvre se cantonne de plus en plus à aborder l'adversaire de la meilleure manière pour développer un combat "terrestre" à son bord. Il ne s'agit plus de manoeuvre le navire dans l'optique de couler l'autre par lui-même.

Le meilleur compromis matériel est trouvé par les byzantins avec les dromons. Navire relativement léger et rapide, doté de 50 avirons de chaque bord répartis en deux rangées superposées. Il met aussi bien en œuvre un éperon que des armes de jet.

Le dromon se combine avec l'utilisation du feu, voire du Feu : c'est-à-dire le feu grégeois. Son invention est attribué à Callinicus et son apparition daterait de 670 après Jésus Christ. L'arme incendiaire se compose de salpêtre, d'huile de naphte, de souffre ainsi que du bitume. La particularité de ce mélange, c'est qu'il brûle, même au contact de l'eau... L'œuvre de Georges R. R. Martin, « Games of Thrones » a été portée à l'écran sous le contrôle de son auteur sous la forme d'une série télévisée. La fin de la deuxième saison s'achève notamment sur une bataille navale. Son objet est la capture de la capitale de l'union des royaumes par le prétendant légitime. Mais surtout, le défenseur de la capitale, lord Tyrion, utilise le feu grégeois à travers une galiote. La vidéo n'emprunte peut être pas toutes les rigueurs du travail de l'historien, mais elle peut donner un aperçu de ce qu'était le feu grégeois pour le combat naval...

Mise en oeuvre au combat

La galère est un navire offensif. La strucutre du navire impose certaines tactiques car tout l'armement du navire (éperon, catapultes, balistes et canons) demeurera presque toujours exclusivement à l'avant. De fait, une présentation classique au combat semblera toujours se diviser entre une préparation d'artillerie et l'abordage. A plusieurs reprises dans l'histoire navale, l'éperonnage aura été pensé, tenté et utilisé. Mais la manoeuvre est tellement exigeante, et dangereuse (venir à bout portant d'un feu qui finira par être capable de décimer un pont entier de marins) qu'elle aurait du couler assez vite dans les oubliettes de l'histoire.

Les galères ne peuvent se présenter qu'en ligne de front ou en formation triangulaire. L'exercice est exigeant pour tenir ces formations.

Le combat naval s'apparente trait pour trait au combat terrestre :
  • les flottes se structurent avec un centre et deux ailes. L'une d'elle est généralement appuyée à la côte.
  • Lors de l'abordage, il s'agit d'un combat au corps à corps.
Il faudra attendre la bataille de Lépante pour voir apparaîre une autre forme de combat où le canon deviendra l'arme principal pour couler les navires adverses.

En attendant celui-ci, la guerre navale ressemblera à une sorte de manœuvre générale où il s'agira d'aborder au mieux, de près ou de loin, les navires afin d'imiter la guerre terrestre. La capture du navire adverse deviendra même un des points cardinaux des habitudes de la guerre navale au temps des vaisseaux. Au temps des galères, il fallait aborder le navire adverse pour aller décimer son équipage, faute d'autres tactiques pour en venir à bout. Au temps des vaisseaux, la chose se déroulait parfois dans la même idée, non pas car il n'était pas possible de faire autrement, mais parce que, et contrairement aux galères, la construction d'un vaisseau était suffisamment longue et coûteuse en ressources pour considérer comme avantageux la prise du navire ennemi.
Au Moyen-Âge

La galère perdure jusqu'à cette époque. Aucun navire n'a encore pu la supplanter dans ces mers sans vents dominants. Il y a très peu d'innovation matérielle pour ce navire antique. C'est la propulsion qui se trouve améliorée avec l'adoption de la nage a zenzileau XIIIe siècle (trois rameurs décalés actionnent à partir du même banc trois avirons). A la fin de l'ère médiévale, c'est la nage scalaccioqui prend le relais : entre 5 et 7 hommes actionnent la même rame. C'est cette disposition qui perdurera jusqu'à la fin des galères : moins de rames, armées par plus d'hommes.

Le canon fait son apparition à bord des galères à partir du milieu du XVe siècle. Il sera une arme redoutable à leur bord, notamment à la bataille de Lépante (1571), mais il signera la mise à mort des galères quand il fut installé par rangées entières à bord des vaisseaux de ligne, percés de sabords.

Sur le plan militaire, la Galéasse apparaît au XVIe siècle selon Philippe Masson -"De la Mer et de sa Stratégie". Ce navire hybride est la dernière évolution d'un navire plus que millénaire : la galère. Cette tentative de conjuguer les avantages de la galère et des précurseurs du vaisseau fera merveille dans premier temps, en Méditerranée.

C'est une hybridation car il s'agit d'améliorer un navire qui se fait lentement mais surement déborder par les précurseurs du vaisseau. Sous de multiples formes, celui-ci commence à imposer sa domination navale aux autres utilisateurs de la mer. Les cogghe, puis les caraques, et enfin les galions (qui sont une évolution de la caraque) menacent définitivement le règne des galères. C'est l'artille navale portée par ces nouveaux venus qui menacent les galères : portée latéralement, elle accroit considérablement le nombre de bouches à feu à bord d'un navire -ce qui offrent accessoirement de nombreuses et nouvelles possibiltiés de manoeuvre et d'engagement.

Cette nouvelle disposition de l'artillerie n'apporte pas une puissance de feu théorique, mais bien réelle. Par exemple, à la bataille de Preveza (1538), le Galion de Venise résiste à l'attaque de plusieurs galères turques pendant une journée entière. Bien plus tard, en 1684, le vaisseau français Le Bon, un 50 canons, commandé par le compte de Relingue, brise pendant cinq heures l'assaut de 35 galères espagnoles. L'historien Philippe Masson ajoute dans son ouvrage qu'un vaisseau hollandais de 56 canons, La Licorne, sera capturé à l'abordage par six galères sous le commandement du français La Pailleterie, en Mer du Nord. Loin de réhabiliter la galère, cet engagement ne mettait en exergue que l'avantage de la rame quand il n'y avait pas de vent, et l'avantage historique d'équipages entraînés face à un équipage improvisé.

Dès le début du XVIe siècle, la galère ne peut qu'apparaître comme menacée. Elle est faite pour le combat singulier, et, définitivement, elle ne pourra plus jamais (sauf exceptions) venir à bout d'un adversaire conçu dans le Nord de l'Europe et portant une artillerie latérale.

Gênes et Venise, les deux grandes puissance navales de la Méditerranée, se doivent de réagir à cette remise en cause matérielle de leurs forces par les puissances maritimes montantes du Nord de l'Europe.

Pour parvenir à cette fin, il s'agit donc d'adapter aux galères ce qui permettra aux vaisseaux de les supplanter définitivement : l'artillerie navale fondée sur les canons. Depuis l'Antiquité, les galères embarquent de l'artillerie : catapultes, balistes, divers engins incendiaires et, enfin, des canons. Cette artille qui sert essentiellement, dans l'Histoire, à préparer les abordages, n'est installée qu'en chasse, c'est-à-dire à l'avant du navire. Dans cette partie se trouve de trois à cinq bouches à feu, dont la plus grande est généralement surnommée le coursier. Problème majeur, l'arrivée des différents navires nord-européens introduisent une artillerie latérale. Fatalement, à dimensions égales, le nombre de bouches à feu est bien plus importante à bord des navires du Nord plutôt qu'à bord des galères qui se trouvent très limitées dans l'emport de bouches à feu.

Loin d'abdiquer, la galéasse modernise considérablement son genre :
  • premièrement, la coque est arrondie à la poupe comme à la proue, à la manière des cogghe. Par ce biais une meilleure tenue à la mer est recherchée.
  • Deuxièmement, le navire est plus haut sur l'eau, ce qui s'accompagne d'un tirant d'eau augmenté.
  • Troisièmement, des châteaux sont érigés à l'avant et à l'arrière du navire, à la manière des carraques. Il En ce qui concerne le château arrière, la domination de l'adversaire par la hauteur est recherchée car la guerre sur mer est encore une guerre terrestre où s'affronte des forteresses flottantes. Et donc, l'avantage va aux archers et aux arbalétriers plus hauts sur l'eau que leurs adversaires. Mais surtout, le château avant sert essentiellement à porter une artillerie nombreuse, en plus de celle qui est généralement installée en chasse.
  • Quatrièmement : installation d'une artillerie navale dans les flancs du navire. C'est là le principal apport des navires du nord qui tranchent foncièrement de la galère par cette artillerie latérale.
Cependant, la Galéasse ne s'émancipe peut être pas suffisamment de la galère. Elle garde une propulsion à deux modes, ce qui semble indiqué pour les mers étroites et fermées sans vents ni courants dominants. Ce qui peut surprendre, surtout, c'est que le navire conserve un éperon. Le fait de porter cet arme n'était peut être pas une tradition très coûteuse. Mais cela relève une ambivalence dans l'utilisation militaire de la galéasse : ses concepteurs ne choisirent pas entre le choc et le feu.

Choix d'autant plus dommageable car la galéasse semble taillée pour le feu, justement. De facto, dès la mise à l'eau des galéasses, il y a un distingo à faire entre deux guerres navales :
  • la guerre navale héritée de l'Antiquité où un ensemble de plateformes navales manoeuvrent pour aller chercher le choc entre elles, et donc l'abordage. Souvent, la manoeuvre des galères, et d'autres navires, est semblable aux manoeuvres terrestres. En mer, il y eu également un centre encadré par deux ailes. Ce qui revient à dire que le combat entre navires ou entre équipages semble être une transposition de ce qui se fait à terre.
  • La guerre navale qui émerge grâce aux navires du Nord de l'Europe (caraque, galion, vaisseau) où le nombre de points de comparaison avec la guerre terrestre va tendre à disparaître au fil des siècles. L'abordage devient une méthode de combat tout à fait secondaire. C'est le feu qui domine, et l'on manoeuvre moins pour aborder le navire adverse afin d'aller en décimer l'équipage plutôt que pour immobiliser, voir pour le détruire. Sa destruction mettra quelques siècles à devenir un objectif préférable à sa capture.
A la bataille de Lépante (1571), c'est par l'utilisation du feu que la galéasse fera merveille. Il y aura à cette bataille la distinction entre le navire du feu, la galéasse, et celui du choc, de la mêlée, la galère.

En tout les cas, la création de la galéasse permet de renouveler intelligemment la galère en transposant les avancées de l'artillerie navale provantn des puissances navales montantes du Nord de l'Europe. La conservation des deux modes de propulsion de la galère permet aussi de conserver à cette hybridation, pendant un temps, des capacités manoeuvrières supérieures. Cependant, l'hybride ne prendra pas quand il s'aventurera dans des milieux qui ne sont pas les siens. Bien malheureux seront ceux qui feront quitter la galéasse de la Méditerranée pour l'emener affronter les caraques, galions et autres vaisseaux sur un terrain pour lequel ils ont été conçus. L'hybride n'était conçu que pour son milieu. En dehors, il était obsolète, et pire, il était moins bon que l'un (la galère) ou l'autre (caraque, galion) de ses parents. Dans l'Océan, la galéasse cumulait les défauts et perdait ses avantages.

Apogée au XVIIe siècle

L'apogée. Une galère ordinaire mesure 47 mètres de longueur, pour 6 de large et 2 à 3 mètres de tirant d'eau. Par rapport à la trirème antique, la croissance a été modérée (contrairement à l'époque de la vapeur). Le tonnage dépasse 250 tonnes (quand des séries entières de torpilleurs déplaçaient 50 et 77 tonnes).

Concernant la propulsion, les voiles latines se généralisent à leur bord (les galères en portent deux). Ce type de voiles est particulièrement bien adapté à la navigation dans les mers étroites et fermées car elles étaient plus pratique pour remonter au vent. Le navire avance aussi grâce à 25 paires de rames. Celles-ci sont actionnées par une chiourme de 250 hommes.

L'équipage comprend également 120 matelots qui sont dédiés à la manoeuvre et à la navigation. Ce qui tendrait à montrer que, par rapport à son équivalent antique (et ses 13 matelots), faire naviguer une galère du XVIIe siècle est un exercice bien plus complexe. Il y a toujours un corps d'hommes uniquement dédié à l'abordage.

L'éperon cède presque définitivement du terrain car il cède la place à une quille. Celle-ci supporte une plateforme triangulaire qui doit faciliter l'abordage.

Autre chose intéressante à relever, la galère s'est diffusée : elle n'est plus cantonnée à la Méditerranée, mais elle navigue également en mer Rouge, mer du Nord, dans la Baltique et dans la mer des Antilles.

Disparition des galères

Entre le XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle, la majeure partie des galères sont retirées des marines. Certaines iront jusqu'à connaître le XIXe siècle. Il faut dire que fasse aux ponts garnis de sabords et de canons, les frêles galères perdraient toute mobilité après une bordée de fer dans leurs rames. Cette disparition donne même lieu à un échange géographique de témoin : la méditerranéenne galère cède la place au vaisseau du nord-européen.

Qui plus est, le feu grégeois disparaît avec les navires à rames. L'empire Byzantin aura emporter son secret. Ou presque car un certain Antoine Dupré en aurait rapporté la formule à la cours de Louis XV en 1759. Le roi ne choisit pas d'utiliser l'arme qui aurait donné pendant un « certain temps » un avantage monstrueux à la France dans la guerre sur mer. Après tout, il semblerait que personne n'avait réussi à enlever le secret du feu grégeois aux byzantins.



Avènement du vaisseau

Les galères, dromons et galéasses laissent place à des navires plus adaptés aux exigences de la navigation hauturière. Il y a une période transitoire où les deux types de navires vont cohabiter, soit entre le Xe siècle (apparition des cogues) et le XVII (voire le XVIIIe siècle de manière très épisodique). Ce navire qui nous vient des mers du Nord de l'Europe se transformera pour devenir la « nef », soit le vaisseau qui nous est si familier dans les guerres navales allant du XVIIe au XIXe siècle. C'est bien la capacité à emprunter l'Océan qui consacre ce changement de sceptre entre galère et vaisseau, mouvement appuyée par les grandes découvertes. Mais le fait que, l'architecture des vaisseaux est plus apte à l'emport de pièces d'artilleries en quantité et en lourds calibres qui achève la transmission.
Les guerres napoléoniennes consacrent le navire de ligne à trois ponts (soit trois batteries couvertes) qui est le roi des mers. En réalité, et comme l'auteur de « Trois ponts » peut nous l'apprendre, la place de ce type de vaisseau de ligne dans les flottes des XVIII et XIXe siècle est finalement assez marginal. C'est le navire de ligne à deux ponts qui est le roi des mers, et les guerres, de l'indépendance américaine jusqu'à celles de l'Empire (peu ou prou la période décryptée par Mahan et Corbett), montrent, démontrent la supériorité de cette formule architecturale sur l'autre.
Trois ponts expliquait la chose ainsi : le trois ponts est lourd, peu manœuvrant, lent. Qui plus est, sa batterie basse, celle portant les plus lourdes pièces d'artillerie, est la plus proche de la ligne de flottaison : à chaque fois que la mer est trop mauvaise, elle n'est pas utilisée. Tandis que le vaisseau à deux ponts, il a fini par porter deux batteries couvertes de canons au même calibre, aussi important que ceux de la batterie basse d'un deux ponts. La batterie du deux ponts étant assez haute au-dessus du niveau de la mer, elle peut toujours servir. Le navire étant dans l'ensemble plus manœuvrant, il peut se mesurer avec grands avantages face au trois ponts.

A travers l'arrivée des navires à vapeur, il faut distinguer deux grandes révolutions navales :
  • la propulsion à vapeur,
  • les obus explosifs.
La propulsion à vapeur est une Révolution Totale dans la stratégie navale. Depuis la nuit des temps, le navire ne pouvait se mouvoir que par la force des bras ou selon la bonne volonté des vents (d'où le fait de consacrer à ceux-ci un dieu est bien occupé par les prières des marins). Depuis que les bouches à feu se sont imposées à bord, elles ont pris la place des rameurs, ne restait plus alors que le vent. Ce dernier était une servitude incroyable dont on peut peiner à se rendre compte. Celui qui avançait avec un vent favorable pouvait espérer remporter la victoire puisqu'il avait l'énergie nécessaire à la manœuvre pour déborder et/ou enrober son adversaire, ou, au contraire, se dérober. Certains vents dominants étaient même de véritables obstacles invisibles pour espérer prendre le dessus sur un adversaire. Tourville ne peut pas profiter de sa victoire à la Hougue (1692) contre les anglais pour faire passer l'escadre à Brest ou St Malo. Une partie de ses navires ne dépassent pas le Cotentin faute de vent, donc faute d'énergie nécessaire, et la victoire de veille devient défaite. C'est pourquoi le port de Cherbourg existera, mais trop tard.

Mais depuis que la propulsion à vapeur existe, les navires ont découvert une liberté de mouvement totale ! Les nouvelles servitudes furent le charbon et le pétrole... Mais elles s'effacèrent, presque, devant l'énergie nucléaire.

Les obus explosifs "à la paixhans" (XIXe siècle) permettent de faire ce que l'on ne faisait pas ou plus (assertion qui renvoie directement à l'introduction et aux prudences énoncées) depuis le feu grégeois : couler des navires. Cela pouvait se produire, mais l'impression renvoyée par le récit des batailles est que cette finalité était trop difficile à atteindre.

Du XVIe au XIXe siècle, avant les obus explosifs, il était plus intéressant de "tirer à démâter" : c'est-à-dire que par diverses munitions et tactiques, il était question de faire tomber la mâture ennemie afin d'immobiliser le navire. Bordée par bordée, celui-ci pouvait encaisser nombre de coups sans broncher... tandis que l'équipage de faisait littéralement déchiqueter par les échardes qui s'échappaient de la coque. L'arrivée des caronades montra même encore une fois qu'il y avait un plus grand intérêt à annihiler l'équipage plutôt que de chercher à détruire le navire.

L'un des moyens de destruction était le brûlot : c'était une embarcation chargée d'explosifs. Tout le sel de la manœuvre consistait à réussir à faire approcher la bombe flottante du navire adverse en difficulté : c'est tout l'enjeu du livre d'un certain lieutenant de vaisseau Castex qui exposait que le feu devait désarmer le navire adverse (ce qui sous-entend que, en mer on arme des navires par des hommes, et que le feu agit en conséquence) pour ouvrir une brèche dans le dispositif afin que la galiote approche avec sa funeste mission.
La construction d'un navire trois ponts pouvant consommer de 2 à 2500 chênes et représentant une fortune colossale, il était relativement courant de chercher à capturer le navire adverse. C'était un moyen aisé pour étudier les techniques et technologies de l'adversaire, et pour augmenter sa propre flotte au détriment du perdant.
Finalement, c'était là une ligne traditionnelle du combat naval : depuis l'Antiquité jusqu'à cette époque, il était plus simple de "désarmer" le navire adverse (car il faut des hommes pour armer un navire) plutôt que le couler. Il était alors :
  • soit question de capturer le navire,
  • soit de le détruire par divers moyens.

Alors, quand les obus explosifs arrivent, les tactiques navales évoluent considérablement : quand il s'agissait plutôt de capturer le vaisseau ennemi, avec les obus à la Paixhans la destruction devient plus qu'envisageable. Et comment faire ? Le vaisseau est mû par la vapeur : il n'est plus question de tirer à démâter. Dès lors, une chose formidable se produit : le premier qui commence à toucher l'autre prend l'avantage au cours du combat. Et la propulsion à vapeur offre toutes les qualités requises pour avoir la liberté de manœuvre.

Finalement, Mahan ne fait que baigner dans cette époque où le fait naval va de révolution en révolution, tant sur le plan de la liberté des mouvements que sur des possibilités tactiques qui sont offertes. C'est à croire qu'il se focalise excessivement sur ce creuset où se réunissent des innovations alors que l'histoire navale montre d'autres pratiques. Par exemple, le feu grégeois n'a pas été diffusé de part le monde : si le secret l'explique en partie, il faudrait peut être avancer une absence de volonté pour se le procurer. Il n'est donc pas étonnant que l'amiral américain cherche à démontrer que pour obtenir le commandement des mers, il faut réussir à détruire la flotte adverse. La « bataille décisive » pourrait être un anachronisme qui se lit à travers le prisme des technologies de la seconde moitié du XIXe siècle et qui sert à regarder ce qui se faisait avant.
Le cuirassé Dreadnought n'est que l'accomplissement de l'idée la manœuvre pour détruire le navire adverse : tout les organes, ou presque, du navire sont tournés vers la mise en œuvre d'une batterie principale constituée de pièces du même calibre dont l'objectif est de détruire l'adversaire.

Ce que l'on pourrait oublier souvent, c'est que la propulsion à vapeur permet également l'émergence du torpilleur et du sous-marin. Ce sont deux types de navires qui vont considérablement perturber la constitution des flottes, et dès lors, il ne s'agira plus simplement d'accumuler un grand nombre de vaisseaux de ligne pour emporter la guerre navale, mais bien d'atteindre les buts de la guerre, malgré les systèmes de forces de l'adversaire.

Le porte-avions n'est que la continuation du cuirassé par ce plan là puisqu'il permet d'élargir l'horizon des armes en adaptant la puissance aérienne à la mer. Il n'y a pas de systèmes d'armes qui ait un horizon plus éloigné.

Quelque part, le sous-marin est le nouveau Dreadnought puisque les sous-marins d'attaque, en particulier, sont entièrement tourné vers la destruction de l'adversaire. C'est bien le premier qui entend (et non pas qui voit l'autre depuis la fin des submersibles dans les années 50 du XXe siècle) l'autre qui prend l'avantage. La torpille, par ailleurs, n'est pas une arme au feu gradué : dès qu'elle atteint sa cible, cette dernière a peu de chance de réchapper de la destruction. Le sous-marin d'attaquer pourrait alors apparaître comme l'aboutissement de la recherche de la destruction du navire adverse par le feu.

Autre sous-marin, autres destructions, le Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins (S.N.L.E.) pourrait lui aussi être un autre Dreadnought : la portée de ses armes est intercontinentale et le feu nucléaire signifie autant destructions que terreur. Ce navire là s'attache plus à chercher à produire un effet sur terre : ses armes dépassent la seule recherche de l'obtention de la décision.

Mais ces deux vaisseaux noirs là atteignent le paroxysme de l'utilisation du feu dans la guerre navale : si l'efficacité dans la destruction de buts navals et terrestre est « totale », elle amène dans une impasse. Effectivement, le général Bauffre décrit la guerre comme étant un affrontement de deux volontés opposées (dialectique). Les deux belligérants n'ont que faire d'une monde purifié par le feu nucléaire, ce qui écarte le cas du SNLE dans les développements suivants.
Le sous-marin d'attaque pose bien des difficultés : s'il est désormais possible de couler la flotte adverse, est-ce souhaitable ? Il ne faudrait pas faire mentir l'Histoire : bien des guerres, bien des batailles ont vu des navires être emportés corps et biens par la mer sous les assaut de l'adversaire. Mais la capture tenait une grande place. La bataille de Lépante (1571) voit un « anéantissement » de la flotte turque, juste assez efficace pour qu'elle soit reconstruite en quelques mois. La guerre des Malouines voit le HMS Conqueror torpiller le croiseur Belgrano. Si les argentins pleurent l'orgueil de leur marine, cela ne cacha pas que le spectacle d'un équipage livré au feu et à la mer cruelle n'en provoqua pas moins un certain malaise en Grande-Bretagne. Les anglais se souvinrent peut être à cette occasion de l'émotion gigantesque produite quand le cuirassé Bismark envoya par le fond le HMS Hood : après quelques échanges de salves de 380mm, le Hood explose depuis l'une de ses soutes à munitions. Il y avait 1200 hommes d'équipages : il n'y aura que trois survivants. Si l'Argentine n'en avait pas les moyens, l'Angleterre de Churcill put se livrer à une fureur navale sans pareil pour exécuter l'ordre du Politique : « sink the Bismark ! »

Ce que l'on peut en retenir, c'est que, s'il est possible de détruire la flotte adverse, c'est au risque de provoquer une chose qu'il n'est nullement possible de réaliser : la montée aux extrêmes, décrite par Clausewitz. L'humiliation d'une défaite, qu'elle soit la perte d'un fleuron ou d'une flotte, est un puissant moteur de la revanche qui peut aller au-delà des intérêts du pays. Le sous-marin est binaire, par exemple : soit il détruit, soit il ne détruit pas. Le Politique ne peut se satisfaire d'un tel manque de souplesse, pour ne pas dire de subtilités. Ce qui explique pourquoi, d'une certaine manière (et encore une fois trop rapide) la guerre littorale prend un tel essor, pourquoi la guerre aérienne au servir des flottes ou permise par les flottes devient de plus en plus souple et pourquoi, enfin, le sous-marin produit autre chose que de la destruction de masse comme du renseignement et des opérations spéciales.

Les armes navales doivent permettre de peser sur la volonté de l'adversaire, pas de la raidir totalement à toute solution négociée.

Le cycle initié par les canons à la Paixhans, la torpille et le missile se termine peut être. Si jamais tel était le cas, alors il faudrait ne pas exclure totalement la destruction. Mais la possibilité de capturer tout ou partie des forces adverses redeviendrait un but à atteindre. La construction des navires -qu'ils naviguent sur ou sous l'eau- prend tellement de temps et de ressources que capturer ceux de l'adversaire pourrait être un gain stratégique non-négligeable. Ils peuvent permettre de gagner du temps ou de récupérer celui que l'on perdait vis-à-vis des avancées technologiques de l'adversaire : n'est-ce pas ce que l'Iran a fait en prétendant capturer au moins un drone américain, qui pourrait être un RQ-170 Sentinel ? Que ne fait pas la Chine en ayant rachetée des porte-avions occidentaux envoyés à la casse ?

Mais s'il fallait viser la possibilité de capturer et de faire des prisonniers, dans le but d'avoir de quoi négocier sur le plan politique sans provoquer une montée aux extrêmes, alors il faut des outils pour le faire. Les armes à énergies dirigées sont certainement ces outils.
Première chose, les flottes sont reliées à la terre sur des distances planétaires grâce au centre de gravité spatial. Une arme electro-magnétique bien dirigée et contenue dans une enveloppe géographique bien délimité pourrait permettre d'isoler un groupe naval adverse.

A ce moment là, l'assaillant, armé de navires de surface ou de sous-marins, pourrait achever de les isoler par divers outils : laser contre moyens optroniques, armes électromagnétiques, micro-ondes, etc... A la manière du feu des bordées, les navires seraient réduit au silence. L'équipage en subirait encore les effets : il serait la victime collatérale des dégâts que l'on cherche à infliger au vaisseau pour l'immobiliser.

L'abordage redeviendrait un art périlleux.
Imaginer qu'il y ait un état de belligérance intermédiaire entre les escarmouches para-militaires et la guerre de haute intensité serait, paradoxalement, un facteur de « paix » en Asie du Sud-Est. En effet, dans cette région du monde, les volontés s'affrontent, mais les moyens physiques non-cinétiques et cinétiques de la non-belligérance pour ce faire s'épuisent : au-delà, c'est la dangereuse montée aux extrêmes.

Au final, il y aurait bien à gagner à parvenir à cet ancien but de la guerre navale qui pourrait devenir « moderne » : la capture des navires. Pour l'un ce serait le moyen de gagner en savoirs, pour l'autre de contrôler ce que l'adversaire maîtrise réellement comme savoir. Même si aborder ne sera pas à la portée de tous (mais la guerre navale n'a jamais été un sport de masse).