Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





07 septembre 2017

SNA-NG Suffren : 2020

© DCNS. Photographie publiée en février 2017.
L'Amiral Prazuck, Chef d'État-Major de la Marine nationale (CEMM), révélait le 26 juillet 2017 devant les députés de la commission Défense nationale et forces armées que la mise en service du Suffren, nouveau Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA) en cours d'usinage, est espérée pour l'année 2020.

Le contrat pour le programme Barracuda est notifié en 2006. La découpe de la première tôle de la tête de série du programme Barracuda (six SNA pour 8,2 milliards d'euros (frais d'études inclus) - contre 7,89 milliards d'euros en 2007) est intervenue au mois de décembre 2007. Le premier anneau du futur Suffren est assemblé au mois de mars 2008. Les deux premiers éléments de coque furent soudés l'un à l'autre le 26 juin 2009. La coque du bateau est "fermée" en avril 2016. La Loi de Programmation Militaire (LPM) 2003-2008 ambitionnait une admission au service actif en 2012.

C'est bien là une gêne demeurée éloignée de l'attention générale : un calendrier non-respecté, même en raison d'une "régulation budgétaire sauvage", est porteur de raillerie. Et en l'espèce, le programme Barracuda a été décalé dans le temps, environ cinq années, après la proclamation du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale en 2008, conséquence de dépenses militaires en forte baisse après les ambitieuses - mais non-financées - années chiraquiennes. D'où une mise à l'eau espérée du Suffren pour l'année 2016 et une mise en service en 2017, au lieu de 2012.

Pourtant, la livraison de la tête de série est repoussée d'une première année, soit de 2016 à 2017, selon l'annonce faite en octobre 2016 à travers le projet de loi de finances pour l'année 2017

Depuis deux livres blancs mais une seule LPM, le flux financier alloué au programme Barracuda est, sauf preuve du contraire, régulier et les échéances - commandes des diverses unités - sont respectées. Il n'est pas inenvisageable que le chantier ait été volontairement retardé afin de lisser la charge financière du ministère de la Défense. Quoique cela serait surprenant dans la mesure où le budget Défense 2017 (32,3 milliards d'euros), voté fin 2016, est une nouvelle fois en hausse depuis fin 2015. Et mieux encore, il est abondé, d'environ, 400 millions d'euros en 2017 (32,7 milliards d'euros, finalement). Difficile d'imaginer que le Suffren serve de variable d'ajustement dans ce contexte.

Encore moins après les 850 millions d'euros supprimés au budget du ministère de la Défense sur l'ordre du Président Macron : le lien de cause à effet entre l'ordre politique et les retards du chantier du Suffren devraient être perceptibles plusieurs semaines, mois plus tard alors que le Suffren aurait déjà du connaître son élément au printemps ou à l'été 2017.

Nous sommes à la fin de l'année 2017 et le Suffren n'est toujours pas entré en contact avec son élément. Aucune photographie ne circule depuis le mois de février 2017, plus d'articles non plus au sujet de son chantier et encore moins une nouvelle date fixée pour cette heureuse délivrance. Il serait très surprenant que le bateau soit mis à l'eau avant l'année 2018.

Par contre, les raisons de ce retard se précisent : 

Premièrement, et malgré l'organisation Cœlacanthe, le maintien des compétences techniques, technologiques et scientifiques en matière de propulsion nucléaire semble avoir connu quelques passages à vide :
"M. Hervé Guillou, président et directeur général de DCNS, a souligné l’importance d’un maintien des compétences industrielles. Selon lui, a contrario, les retards constatés dans le programme Barracuda le montrent : « DCNS est reparti de rien, car six ans après Le Terrible, l’équipe nucléaire a du tout réapprendre ». En effet, pour des économies de court terme, une large part des compétences des ateliers de Cherbourg n’a pas été entretenue, et ce d’autant que la main-d’œuvre en question est rare, « surtout dans le Cotentin, où Flamanville fait concurrence ». En outre, « en cinq ans, les standards ont changé, et ce que l’on tolérait il y a vingt ans n’est plus toujours conforme aux standards actuels »." (avis n°4061 fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2017 par M. Jean-Jacques BRIDEY, p. 56)
La discussion entre les députés, le DGA et le CEMM révèle que l'entretien des compétences connaîtra un nouveau passage à vide après la fin des travaux sur l'ATM n°2 du porte-avions Charles de Gaulle et la baisse de charge suite à la fin des travaux de conception du Barracuda. D'où l'idée que le NPA (Nouveau Porte-Avions) soit à propulsion nucléaire afin de protéger ces précieuses compétences entre la fin des travaux pré-cités et l'arrivée à maturité de ceux devant conduire à la conception pleine et entière du SN3G. 

Deuxièmement, et en conséquence de ce qui précède, "des erreurs ont été commises, qu’il faut identifier, corriger puis rattraper" dixit l'Amiral Prazuck, CEMM, le 26 juillet 2017. Et c'est pourquoi "le premier exemplaire entrera en service avec retard, vers 2020 au lieu de 2017." La mise en service du Suffren était espérée pour la fin d'année 2019 depuis le retard constaté en octobre 2016. Le glissement n'est peut-être pas de quelques mois seulement puisque le CEMM précise bien qu'il entrera en service "vers" 2020. Pourquoi pas en 2021 ?

Et les conséquences de ce retard deviennent assez problématiques et plutôt coûteuses puisqu'il est nécessaire de prolonger le service actif des six SNA de classe Rubis. Tout du moins, c'est la lecture de la suite du propos de l'Amiral Prazuck ainsi faite, par nous, ici : "Le retard de livraison du premier de série, le Suffren, va m’obliger à prolonger l’usage des Rubis pour avoir en permanence six sous-marins nucléaires d’attaque en parc. Quand j’ai six SNA, un est en entretien de longue durée – pendant un an et demi ou deux ans –, un autre en entretien intermédiaire, un troisième en entraînement, un quatrième dans l’Atlantique, un cinquième en Méditerranée et le dernier soit dans l’Atlantique, soit en Méditerranée, soit dans l’océan Indien. Le format de six SNA – les Britanniques en ont sept – correspond donc à notre besoin opérationnel."

En toute logique, le SNA Rubis devrait poursuivre sa carrière opérationnelle et voir donc son cœur nucléaire rechargé - une opération à plusieurs dizaines de millions d'euros - comme le demandait le député Rouillard en octobre 2016. Le bateau était plutôt sur la voie du désarmement aux dernières nouvelles. Si la sûreté nucléaire des six chaufferies embarquées ne s'y oppose pas, les qualités opérationnelles des six unités devraient suivre. En effet, les six SNA cumulaient en 2016 plus de 1000 jours de mer. (+ 10%).. une première depuis leur entrée en service (166 jours par bateau). Bel exploit pour des navires ayant ou allant atteindre les trente années de service.

Toutefois, le député Rouillard avertissait que "l’amélioration de la situation des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) est à souligner mais, d’après les documents budgétaires, elle « reste fragile en raison des nombreuses difficultés techniques rencontrées dues à leur ancienneté »". Bref, une nouvelle prolongation, après celle portant le service de 30 à 35 années, qui aura un coût financier non-négligeable.

La rigidité stratégique, les lourdeurs de la chaîne nucléaire se font sentir vis-à-vis de la programmation des tranches navales nucléaires. Une chaîne de déconstruction des SNLE et SNA s'ouvre à Cherbourg pour la première génération et pourrait, selon les calendriers envisagées, fonctionnaient sans discontinuer jusqu'à la fin du XXIe siècle. Une puissante servitude depuis la conception jusqu'à la déconstruction. Sans que cela soit tellement une nouveauté dans le champ naval s'il fallait faire la comparaison avec les "munitions de Marine" du temps des vaisseaux de ligne et leurs lourdes contingences sur les politiques publiques. 

Dans l'immédiat, il est heureux que ces déboires, erreurs demeurent inaperçus et ils seront très vite oubliés quand le Suffren connaîtra son élément. Il sera trop tard, alors, pour s'en émouvoir. Reste qu'il ne faudrait pas que l'Australie, tout du moins, une faction défavorable à l'offre française, ait le temps de s'émouvoir de ce bateau dont la construction aura duré onze ou douze ans...

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