Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





05 avril 2015

"Vers une marine atomique - La marine française (1945 - 1958)" de Philippe Quérel


QUEREL Philippe, Vers une marine atomique - La marine française (1945 - 1958), Bruxelles, Emile Bruylant, 1997.
M. Philippe Quérel livre une étude systématique de la reconstruction de la Marine nationale à la sortie de la deuxième guerre mondiale. Est-ce que le titre est un hommage à l'amiral Barjot ? La ressemblance est troublante avec Vers la Marine de l'âge atomique (1955) dudit amiral. La période retenue est relativement courte (seulement treize années) mais d'une densité surprenante.
L'auteur offre au travers son étude un outil. Il est la matrice permettant de comprendre comment s'est forgé cette première marine du conflit Est-Ouest. Le lecteur apprécie les différentes orientations de cette marine selon les évolutions de la politique étrangère et de la stratégie militaire subordonnée. Encore mieux, il explore les liens entre la dynamique liant la situation politique intérieure et l'évolution de la scène internationale.

Les quelques prises de notes retranscrites ici tentent d'avoir le seul intérêt de faire écho avec l'actualité navale nationale. Plus qu'une fiche de lecture, l'exercice montrera peut être au lecteur combien un tel livre est utile.
 
Commençons par les statuts navals. Ceux de 1952 (VII - Un cadre de développement : le statut naval de 1959, aux pp. 197-222) et de 1955 (B. Le Plan Bleu de 1955, aux pp. 337-345) dévoilés dans ces pages sont les plans d'ensembles qui guident les choix de la Royale dans ses programmes. Ils expliquent l'édification de cette première marine du conflit Est-Ouest.La question de l'incertitude technologique (pp. 357-389) est abordée dans une sous-partie à part entière. Ce n'est jamais une mince affaire. Nous voyons dans le contexte de la période choisie combien le poids des nouvelles techniques et des nouvelles armes peuvent prétendre à démoder toute ou partie d'une Flotte. Que dire d'une Marine Horizon 2025 devant composer avec l'âge électromagnétique, les lasers et les armes hypersoniques ?
Poursuivons en nous reportant aux pages 274-283. Elles contiennent une section (3 - Les Clemenceau) sur la genèse des porte-avions Clemenceau et Foch. Nous ne nous lassons pas de disposer de l'ensemble des débats, tant sur les choix techniques que sur le plan politique. Par exemple, il faut retenir que le porte-avions Clemenceau est proposé au Parlement pour 1954 (d'où le PA54) car la guerre d'Indochine illustre dans l'opinion nationale l'intérêt opérationnel d'un tel navire. Qui plus est, l'auteur souligne que c'était aussi le moment idoine car la France devra commencer à rendre des porte-avions prêtés par les Etats-Unis. Navires qui auraient pu être un contre-argument à une construction nationale. La crise de Suez ne démentira pas par la suite la pertinence de la décision.

Comme quoi : une marine c'est des bateaux, et pas de bateaux sans rayonnement. Marine égale rayonnement ?
 Par de grande formation navale sans train d'escadre. La problématique de la base mobile (3. - Le problème de la base mobile, pp. 43-46) illustre les débats au sein de la Marine concernant un train d'escadre apte à soutenir une force navale dans le théâtre où elle agit. Deux visions s'opposent :
  • d'un côté les tenants d'une base transportable où les navires permettraient le transport et le déploiement à partir d'un point d'appui naval d'un arsenal de près de 3000 personnes ;
  • de l'autre, il s'agirait d'un train d'escadre apte à soutenir toute la force et à la suivre en opérations. 
L'un comme l'autre sont complémentaires car ils visent à agir soit pour le combat contre la terre, soit pour le combat hauturier. Il faut peut être rapprocher ces quelques éléments du débat de l'époque du concept de "base d'opérations", central dans la logistique des armées napoléoniennes. 
Et par extension, nous pourrions nous inspirer de l'exemple de l'intervention du groupe aéronaval en Adriatique dans les guerres balkaniques. A ce titre, il y a eu l'installation d'une base d'opérations dans le Sud de l'Italie pour réduire l'élongation des flux (voir Entre Terre et Mer - L'occupation militaire des espaces littoraux et maritimes aux éditions Economica). 
Aussi, l'exemple historique donné dans l'ouvrage du jour est celui de la guerre du Pacifique où l'US Navy, pour 5 millions de tonnes de navires de combat, recours à 12,5 millions de tonnes de navires de soutien.
Nous retenons en particulier cette citation montrant combien le mouvement n'est pas toujours le plus coûteux : "Le coût d'une base mobile adaptée à la Force d'Intervention est estimé à 13 milliards, à comparer aux 200 milliards réclamés par les bases fixes." (p. 45)
Un des faits pouvant susciter l'inspiration aujourd'hui est le mariage entre la somme des contraintes techniques de l'époque et l'environnement tactico-opératif. La construction des groupes anti-sous-marin et anti-aérien est l'objet d'un savoureux mélange entre grandes unités hauturières et "côtières" (tout du moins, bien plus légères). L'amiral Nomy assigne les rôles aux anciens croiseurs italiens - transférés au titre des réparations - de conducteur des groupes ASM. Les De Grasse et Colbert deviennent conducteur des groupes anti-aériens. Les croiseurs regroupent autour d'eux les escorteurs. Les porte-avions agrègent une force aéronavale autour d'eux (p. 285). Structuration des forces et répartition des fonctions qui tranchent avec nos navires multi-missions d'aujourd'hui.
Enfin, l'un des objets de la marine atomique française est cité dans ce livre. A la page 388, nous retrouvons l'un des projets phares mais discrets de cette marine : le croiseur à propulsion nucléaire. "Au début de 1957, le navire, rebaptisé "croiseur-escorteur", déplaçant 5000 tonnes, sera un "bâtiment porte-engin qui assurera la transition entre le T-53 et le croiseur-escorteur à propulsion atomique." La note (130) nous propose les références d'un document (SHM, 3BB8/CSM ; N°50 EMG/O, 1er mars 1957, Amiral Nomy au Chef d'Etat-major général des Forces armées, Premières définitions des familles d'armement nucléaire et conventionnel.) Reste à accéder à ce projet qui n'aura peut-être pas quitté la sémantique.
Il y a donc là un curieux parallèle entre quelques réflexions sorties de leur riche contexte et une actualité qui peut s'y apparente à s'y méprendre.


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