Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





27 août 2013

Projet de conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles

© Inconnu. Représentation d'artiste d'un Kentucky lance-missiles, projet assez similaire à ceux de la Royale.


Le regretté Alain Guillerm glissait rapidement dans l’un de ses ouvrages – La Marine de Guerre moderne – 1915-2015 - qu’il avait été dommage que la Marine nationale n’ait pas eu les budgets nécessaires à la conversion du Jean Bart en cuirassé lance-missiles. 

Par l’ouvrage de Robert Dumas (Le cuirassé Jean Bart – 1939-1970), on peut suivre précisément la « seconde vie » du cuirassé après la fin du deuxième conflit mondial et son retour en France. A vrai dire, le Conseil Supérieur de la Marine se penche (séance du 21 septembre 1945) sur la demande du ministre de trancher entre trois options pour décider du sort du navire :
  • arrêter l’achèvement du navire,
  • achèvement en bâtiment de ligne,
  • achèvement en porte-avions.
Cette décision de l’achever en cuirassé, prise sans débats le 22 février 1945, a provoqué bien des remous, surtout de la part des partisans du porte-avions (contre-amiral Barjot en tête), d’où la demande du ministre de mettre tout le monde d’accord.

Achèvement en bâtiment de ligne

Personne ne souhaite abandonner un tel navire à la démolition. Reste le débat entre les partisans du cuirassé et du porte-avions. Cette dernière option est abandonnée au motif qu’elle est trop coûteuse : l’investissement serait trop important par rapport à une construction neuve. Néanmoins, l’ingénieur Général Kahn présentait un coût de 5 milliards de francs pour la conversion en porte-avions. Devant l’incompréhension face à un tel devis, ressenti comme surévalué, l’IGA Kahn affirme que, personnellement, il le juge plutôt aux alentours de 3,5 milliards de francs. Aux dires du récit et des remarques de Robert Dumas, on peut surtout observer que la DCAN « ne veut pas » d’un porte-avions.

Le 21 septembre 1945 la Marine choisit donc d’achever le Jean Bart en cuirassé afin de disposer d’une seconde unité pour épauler le Richelieu avec une artillerie contre avions beaucoup plus puissante. Les travaux nécessaires sont évalués à 5 ans pour disposer d’un cuirassé avec munitions (ce qui est mieux que l’option de 4 ans de travaux pour avoir un cuirassé sans ses munitions de 380mm…).

Les travaux d’achèvement du Jean Bart débutent à Brest le 11 mars 1946 (six mois de latence entre la décision et l’exécution). Le navire entre officiellement en service le 1er mai.. 1955. Il est regrettable que l’on ne puisse pas comprendre par cet ouvrage comment on passe d’une fantastique solution d’achèvement en cuirassé avec 5 ans de travaux à la mise en service dudit navire 10 années après la prise de décision. 

En 1956, le Jean Bart participe à l’opération Mousquetaire. Elle se réduira à transporter le commando Hubert et le 1er REP de Toulon (24 octobre) à Limassol (4 novembre) en passant par Alger. La traversée s’effectue à 25 nœuds de moyenne, chiffre qui laisse songeur sur le plan de la projection aujourd'hui. Le Jean Bart tire 4 coups de 380 pour soutenir le débarquement de Port Saïd (une salve de la tourelle II –à croire l’ouvrage de Robert Dumas, la I est hors service depuis le 8 juillet).
 

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Une refonte lance-missiles ?

A la fin de 1957, il est question d’adapter le navire aux dernières évolutions de la guerre navale moderne. Deux projets s’affrontent :

Le premier se borne à rationaliser et moderniser toute l’artillerie contre avion autour du 100mm modèle 1953. La refonte permettrait de réduire le nombre de groupement d’artillerie secondaire à 4 ou 5 (selon si les pièces de 57 de la plage AR subsiste). Cependant, ce projet se heurte à la cadence de production des nouvelles tourelles, ce qui oblige à l’étaler dans le temps dès la feuille de papier. Et ne permet guère que de moderniser un cuirassé avec de l'artillerie anti-aérienne moderne, alors que le développement de la chasse à réaction et l’apparition des engins tendent à les déclasser au profit des missiles anti-aériens.

Le deuxième projet consiste à refondre le Jean Bart en cuirassé lance-missiles. Dans les différentes variantes, seuls les affuts de 100 modèle 1953 sont conservés. Il y a cinq solutions :

  • solution A : suppression des affûts de 57 de la plage arrière, construction d’un hangar central prolongeant le pont château jusqu’au cabestan de touage. 3 rampes lance-missiles pour 24 à 44 engins ;
  • solution B : suppression des affûts de 57 de la plage arrière et prolongation intégrale du pont château jusqu’au cabestan de touage. 6 rampes sont prévues pour une capacité de 75 à 150 missiles ;
  • solution C : suppression des affûts de 57 de la plage arrière sans construction de nouvelles superstructures. 6 rampes et 75 à 90 missiles sont prévues. C’est la solution la plus avantageuse pour le devis de poids ;
  • solution D : suppression de la tourelle I de 380 et des deux affûts de 57 de la plage avant. Prolongement du pont château jusqu’au brise-lames AV ou AR ? Les ébranlements dus aux tirs de la tourelle II ne sont pas prohibitifs. 3 ou 4 rampes de lancement pour 210 missiles ;
  • solution E : suppression des deux tourelles de 380 et prolongement du pont château jusqu’au brise lame avant. Dans la variante extrême de la solution extrême le nombre de rampes aurait été de 6 ou 8 pour 325 missiles.
Il manque une "solution F" avec la conjonction des solutions B et E qui nous aurait donné, sur le papier, un navire entièrement missilisé avec 12 à 14 rampes et 400 à 475 missiles… ! Si bien qu’il aurait peut être fallu diviser le navire en deux ou trois PC avec les matériels de désignation, d’illumination et de poursuite des cibles associés.

En réalité, il n'y a que trois grandes options :
  • améliorer la DCA par l’adoption d’une tourelle moderne (le 100 mdl 53) ;
  • la refonte en cuirassé lance-missiles avec préservation de la batterie principale ;
  • transformation intégrale en cuirassé lance-missiles avec une artillerie secondaire conservée.
Sur la question des engins, la taille du navire n’était pas aberrante. En effet, la faculté de concentrer sur une même plateforme différents missiles anti-aérien peut aider à gérer la lutte anti-aérienne d’une force à une époque où cette lutte est assez peu automatisée et très centralisée via des escorteurs spécialisés.

Quels missiles ?

En outre, au même moment, la France développait plusieurs programmes :
  • le MASURCA ;
  • le MASALCA ;
  • le MALAFON ;
  • MALAFACE.
Le premier était dans la même gamme que le RIM-2 Terrier américain (moyenne portée). L’objectif était de fournir une solution opérationnelle à la Marine nationale. Néanmoins, le coût de l'effort pour maîtriser cette solution technologique fut tel, dans une période de vaches maigres, que seul le croiseur Colbert et les frégates lance-engins en furent équipés. Par la suite, cinq escorteurs d’escadres furent refondus avec des RIM-24 Tartar vendus par les Etats-Unis, avec l’ensemble des éléments de la refonte, à un coût bien moindre.

Le Masalca était en réalité un démonstrateur technologique de missile anti-aérien à longue portée utilisant un accélérateur à poudre et un stratoréacteur. Nous étions donc dans la même catégorie que le RIM-8 Talos américain (85 à 185 km de portée).

Il y avait également les premières études, les premiers développements qui aboutirent au Malafon, un missile portant une torpille légère. Il équipa également les deux frégates lance-engins, failli équiper le PA-58 et équipa cinq autres escorteurs d’escadre.

Enfin, dans le grand cercle des oubliés, il y avait la première tentative française de missile anti-navire. Il s’agissait d’un mélange entre les Hs 293 et V-1 allemands. Basé justement sur un V-1, ce missile posa des difficultés de mise en œuvre à la mer car utilisant un ergol liquide et par la monstrueuse place pour l’embarquer. Hormis la sécurité relative offerte par les ergols liquides, un cuirassé refondu en lance-missiles ne manque pas de place (surtout en cas de monstrueuse solution F). Il est à noter qu’une version du Malaface devait voler avec un turboréacteur Marbore ce qui aurait porté sa portée à environ 1000km (contre 2 à 400km dans les versions étudiées).

Nouveau vecteur pour la dissuasion océanique ?
Alain Guillerm imaginait même faire de ces cuirassés un remplaçant des porte-avions Foch et Clemenceau pour l'océan Atlantique, tout du moins, pour assurer la permanence de la projection de puissance. D’aucuns imaginèrent une plateforme de la dissuasion nucléaire non plus alors que le PA-58 Verdun est en gestation et qu’il doit porter le CB62, bombardier embarqué (SO 4060 Super Vautour ou Mirage IVM) vecteur de la bombe A française à gravité.

La Marine italienne avait ainsi embarqué des missiles balistiques sur des croiseurs pour patrouiller en Méditerranée, à une époque où la Marine soviétique en était presque absente. La France aurait pu avoir un « SNLE de surface » à moindre frais. Ou un navire très difficile à intercepter du fait de ses capacités monstrueuses en missiles et sa capacité à embarquer différents vecteurs nucléaires.

Il y avait quelque chose à faire du Jean Bart (et du Richelieu), même comme cuirassé moderne, même s’il fallait définir ce que c’est. 

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