Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





29 décembre 2012

Un nouveau triptyque pour l'Archipel et l'action de la France ?


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Accepter la géographie de son pays n'est pas une chose si aisée. Bien des personnes se complaisent à croire que la France est un hexagone. D'autres répondent que les « territoires français d'Europe » forment, effectivement, une telle figure géométrique à six côtés. Mais, poussant plus loin le regard sur la carte, ils ne peuvent s'empêcher de montrer que la France est un Archipel présent sur tous les océans ou presque (manque l'Arctique), sur tous les continents ou presque (manque l'Asie). Le barycentre de cette construction politique (et même démocratique car bien des îles ont voté une fois, voire deux fois, leur rattachement à la France) serait l'île de la Réunion.

Nôtre construction géographique nationale, qui s'est donc faite aussi bien par le sang et les larmes que par la bulletin de vote, est donc un Archipel entouré par maints océans et maintes mers. Qui plus est, notre assise principale se situe sur un continent, l'Europe (même si notre plus longue frontière terrestre est en Amérique du Sud). Bien des soubresauts ont fait que la construction de cet archipel dépendait de la préservation du socle français en Europe des invasions, des menaces et surtout de l'encerclement. La menace des Habsbourg se matérialisera à nouveau à l'issue de la Bataille de France de 1940 quand l'Allemagne avait envahi la moitié Nord du pays, l'Italie tentait d'entrer par les Alpes et Espagne et Angleterre nous étaient hostiles pour diverses raisons. La seconde guerre mondiale une fois achevée, et la Guerre froide révolue, une première historique se produisit : grâce à la paix, grâce à la construction européenne, gage de paix, la France s'est construite une insularisation artificielle en Europe. A la manière des longs murs de l'Antique Athènes, l'Archipel France a achevé d'être entièrement maritime quand la menace continentale européenne a disparu à la chute du Mur de Berlin.

Cette construction géographique suppose une défense. Là, c'est une exigence constitutionnelle1. Héritage des dynasties royales qui ont gouverné la France, la Révolution n'a en rien enlevé au chef d'Etat républicain la responsabilité, plus que de défendre les intérêts de la France et des français, le soin de préserver l'intégrité territoriale du royaume, puis de la République. Cette dernière est une et indivisible.
Et pour Défendre la France, Paris a à sa disposition plusieurs forces armées :
  • la Gendarmerie nationale2 (huit siècles d'histoire),
  • l'Armée (de Terre, dont l'histoire remonte à la levée d'une armée royale permanente sous Charles VII au XVe siècle),
  • la Marine nationale (remontant à Richelieu (XVIe siècle, ou à moins qu'il ne faille remonter au XIVe siècle et la Guerre de Cent ans),
  • l'Armée de l'Air (1934).
Ces quatre forces armées principales se sont organisées de diverses manières au cours de l'Histoire afin de préserver tout ce qui était Franc, puis France.

A l'heure actuelle, et donc depuis la chute du Mur de Berlin, il s'agit d'articuler ces forces pour ne plus se défendre contre une invasion continentale, mais bien pour porter le glaive là où la menace apparaît. En effet, si les dangers ne sont plus aux frontières, ils n'ont pas pour autant disparus. Qui plus est, il s'offre alors deux choix :
  • soit se replier géographiquement sur l'Archipel ou, pire, sur les seuls territoires français d'Europe,
  • soit de s'attaquer au centre de gravité des crises qui apparaissent pour éviter qu'elles dégénèrent, voire de les étouffer.
Après trois livres blancs (1972, 1994 et 2008), et bientôt un quatrième (2013), et une pratique de l'usage de la force assidue depuis 1945, il apparaît clairement que la défense en avant est un choix constant en France. Qui plus est, il s'est mêlé depuis 1945 les guerres de décolonisation avec celles, plus ou moins officielles, plus ou moins clandestines, destinées à la protection de nos intérêts de part le monde (non pas que les guerres de décolonisation ne concernaient pas nos intérêts). Dans cette perspective, il y avait un triptyque qui était utilisé :
  • la diplomatie de défense (initiée par la signature des accords et partenariats de défense avec nombre d'anciennes colonies africaines).
  • le prépositionnement des forces de par les colonies,
  • le positionnement d'un contingent lors d'un conflit déclaré.

Bien entendu, cette disposition ne plus durer : les colonies ne sont plus et le prépositionnement des forces a été revu à la baisse, souvent plus par raisons budgétaires que par choix. La réduction de notre voilure territoriale en Afrique n'est pas sans conséquence sur nos modes d'actions. Par exemple, l'entretien du 2e Corps d'Armée en Allemange (force de réserve de l'OTAN) se produit peu de temps après la fin de presque toutes les indépendances de nos colonies. Les moyens qui lui étaient adjoints pour assurer son action étaient adaptés à une action centre-européenne. En plus, en France, les processus militaire, économique et politique font que le matériel choisit l'est pour toutes les unités, souvent. Un décalage est apparu et s'est alors élargi au fur et à mesure des décolonisations et de la réduction de voilure en matière de prépositionnement. La profondeur d'action allouée au 2e Corps d'Armée, ce n'est pas la même échelle que la projection ou le déplacement d'unités en Afrique. Si bien que de 1962 à 1978, la mobilité de nos forces ne fera que se confronter à des bases de moins en moins nombreuses pour une allonge presque inchangée en matière de projection aérienne, entre autre exemple. Un appareil comme le Transall est d'une utilité certaine pendant l'opération Manta (1983-1984) au Tchad :
  • pour relier l'aéroport de Ndjamena aux forces déployés,
  • mais certainement pas pour relier cet aéroport à la métropole où il faudra faire appelle aux gros porteurs des compagnies sous pavillon national et étrangers.

Il manquait là un avion de charge au rayon d'action stratégique. Tout comme la détention pendant ce conflit par les forces françaises envoyées au Tchad de missiles balistiques de courte portée à charge conventionnelle (système Pluton), aurait été une menace à prendre en compte par Tripoli contre ses bases aériennes (du contournement de la puissance aérienne) et concentrations de forces (le pouvoir libyen soutenait alors les forces adverses).

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© Inconnu.

C'est justement dans cette problématique que nous trouvons l'Archipel France : il y a la nécessité absolue (à moins de violer la Constitution) de préserver l'intégrité du territoire national. La Guerre des Malouines nous donne une démonstration effroyable de ce que cela signifie :
  • quand l'archipel britannique de l'Atlantique Sud était envahi à la « surprise » générale,
  • la Prime minister craignait une action espagnole contre Gibraltar.
Plus généralement, en dehors de ce « devoir premier de l'Etat » comme disait le général De Gaulle, il y a nécessité de préserver les îlots d'intérêts français de par le monde.

De tout cela, il découle que la défense l'Archipel France suppose que :

Les unités de ces forces armées sont dispersées à travers l'Archipel France. Il s'agit donc de parvenir, pour agir, à résoudre le problème de la concentration qui agite les stratèges depuis Sun Tzu ou Sun Bim jusqu'aux penseurs contemporains (soit 2500 ans de réflexions). L'économie des forces de Foch nous enseigne une leçon bien utile à la plasticité qui est exigée par la stratégie de l'action (général Beauffre) menée depuis un Archipel :

« Le principe de l'économie des forces, c'est au contraire l'art de déverser toutes ses ressources à un certain moment sur un point ; d'y appliquer toutes ses troupes, et pour que la chose soit possible, de les faire toujours communiquer entre elles, au lieu de les compartimenter et de les affecter à une destination fixe et invariable. Puis, un résultat obtenu, de 1es faire de nouveau converger et agir contre un nouveau but unique ».

C'est pourquoi, au final, il faut pour défendre l'Archipel France un front mêlé de vaisseaux, d'aéronefs et de régiments, dispersés à travers tous les territoires de France. Lorsqu'une crise survient, ils doivent pouvoir, à partir de leurs structures d'actions et de forces, pouvoir concentrer le volume de forces et de feu à l'épicentre de la crise. Cet exercice exigeant, car d'ampleur mondial, appelle donc à un nouveau triptyque :
  • diplomatie de défense,
  • prépositionnement « fixe » des forces, soit les bases sur le territoire national (qui peut se trouver à la jonction de la préservation de nos frontières et de nos intérêts à l'étranger) et celles entretenues à l'étranger,
  • le prépositionnement « dynamique des forces ».

La diplomatie de Défense permet d'entretenir des forces étrangères à des volumes et niveaux qui doivent nous permettre, indirectement par un allié, dissuader toutes tentations de déstabiliser un état de fait qui nous est favorable. C'est un ensemble de travaux qui a été le fait des unités de l'action clandestine pendant un temps. Puis, ce sont les forces spéciales qui ont héritées de ce type de missions5. Mais, les hommes de l'action clandestine comme ceux des actions spéciales font face à des tâches qui dépassent leur maigre volume de forces car unités d'élites. C'est pourquoi il serait plus judicieux, selon la pensée des auteurs d'un rapport fait pour l'IRSEM sur la formation des forces armées étrangères6, de confier ces formations à des unités conventionnelles. Celles-ci, détentrices de savoir-faire très spécifiques (du parachutage des forces à l'action amphibie) auront le volume nécessaire pour le faire (et ainsi décharger les unités aux missions très spécifiques précitées). Les unités conventionnelles bénéficieront de retours d'expériences et de la possibilité à démultiplier leur forme de forces grâce à cette capacité à s'injecter dans une armée alliée (là où les coalitions de circonstance sont d'une solidité toute relative).

Le prépositionnement fixe de nos forces permet de raccourcir, par leur déconcentration, les délais pour les mettre en œuvre. Cela nécessite un savant maillage de nos bases, les matériels nécessaires pour les relier entre elles (d'où le passage du Transall à l'A400M) et suffisamment d'hommes et de femmes pour armer ces points. Le dosage est particulièrement exigeant puisqu'il faut pouvoir dégarnir ponctuellement plusieurs bases pour en renforcer une ou créer un point d'action. C'est ce qui se passe pour, avec une grande réactivité, constituer une force française de manœuvre en République Centrafricaine.
Généralement, la concentration réactive des forces prépositonnées passent par l'assaut vertical.

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L'avenir des forces amphibies est-il à la constitution de groupes constitués autour d'un BPC et d'une unité navale mêlant capacités amphibies et logistiques, à l'instar du Karel Doorman néerlandais ?

Le prépositionnement dynamique des forces est une chose nouvelle. Il s'agit d'utiliser des groupes navals de la Marine, non pas pour constituer une ceinture dynamique de « forts mobiles » pour préserver nos frontières, mais bien pour créer de véritables bases flottantes donc mobiles servant à la projection de forces. Ce n'est ni plus ni moins qu'une base, mais qui est capable de se mouvoir d'un point à l'autre du globe. Cette souplesse permise par la mer sert aussi bien à renforcer le dispositif de bases ou à combler un manque que, et c'est tout aussi important, de s'affranchir des contraintes imposées par l'adversaire. C'est tout l'intérêt du groupe aéronaval, par exemple, mais aussi de l'action du Tonnerre pendant la crise ivoirienne. Le navire amphibie permettait d'entretenir des forces aéromobiles en mer dont l'action ne pouvait être entravée par les institutions ivoiriennes, comme celles de la Force Licorne.
Si le temps de la mer est long, la possibilité de positionner ces forces au large de la crise permet donc de raccourcir le délai d'intervention. L'assaut peut être autant horizontal (opération amphibie) que vertical (offensive aéromobile via les hélicoptères de manœuvre (d'où les craintes liées aux déficits en la matière).
La maîtrise de ces opérations nécessitent un tel savoir-faire qu'il existe un corps dédié à l'amphibie aux Etats-Unis par exemple : l'US Marines Corps. Des voix se font entendre pour proposer une réforme des Troupes de Marines afin d'aller dans ce sens.

La concentration des forces dans l'Archipel exige donc cette plasticité pour détendre nos unités aux endroits judicieux pour préserver le territoire national et nos intérêts jusqu'au moment où il faut tendre le dispositif vers un point de concentration.
La Marine tient une place particulière puisqu'elle trouve dans ce dispositif son rôle historique de préservation des voies de communication (navales mais aussi aériennes, spatiales et cybernétiques), mais avec l'Armée de l'Air, elle partage les missions de projections de puissance et de forces vers la Terre. Si la puissance navale peut aider à forcer obtenir la décision en réduisant la liberté de manœuvre de l'adversaire ou en le tournant, ce sont bien les forces terrestres qui vont la chercher, cette décision, à terre.



1 "La Marine nationale, première force armée garante de l'intégrité territoriale de la France", le Fauteuil de Colbert, 30 août 2012.
2 "Archipel France : action combinée entre Marine et Gendarmerie", Pas d'argent, pas de Suisses pour le Fauteuil de Colbert, 13 décembre 2012.
3 " La question de la base française au Niger cache-t-elle celle de l'avenir de l'Armée de Terre ?", le Fauteuil de Colbert, 1er août 2012.
4 "L’insécurité peut-elle ruiner l’essor des outre-mer ?", une tribune du CE Romain Champenois", Lignes de Défense, 14 décembre 2012. 
5 " La France et les opérations spéciales", Eric Dénécé et Nicolas Warney, ISC.
6 " Réinventer notre diplomatie de Défense – Faire autrement pour faire faire", Georges-Henri Bricet des Vallons & Nicolas Mazzucchi, Alliance Géostratégique.

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