Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





02 décembre 2010

Chronique de Stratégie et Tactique navale : fonction garde-côtes, marine côtière et forces de haute-mer

© Inconnu. Le Henry IV, cuirassé garde-côtes (1897-1921).
Dans le cadre de notre étude de la stratégie maritime française pour contrôler les zones économiques exclusives, nous avons trouvé un article très intéressant de Caroline Britz (Les Echos).

La fonction garde-côtes

Son article a le mérite de présenter synthétiquement ce que représente la fonction garde-côtes :
La France possède depuis le décret du 22 juillet dernier une fonction garde-côtes. Une fonction et non un corps de gardes-côtes à proprement parler, comme les tout-puissants « coast guards » américains ou britanniques. Un nouvel échelon administratif voulu en haut lieu, puisque c’est Nicolas Sarkozy qui, le premier, dans son discours du Havre, en juillet 2009, a annoncé sa création. Reprise dans le Livre bleu et confirmée rapidement par décret, la fonction garde-côtes est placée sous l’autorité du secrétaire général de la Mer, lui-même sous autorité directe du Premier ministre.
En exagérant, rien de nouveau à l’Ouest comme disait Erik Maria Remarque. Un nouvel échelon administratif pour en coiffer d’autres. C’est un peu l’histoire de la décentralisation ou d’une discrète réforme de l’université via les PRES [1].
Cependant, l’auteur (ou l’auteure) nous prépare à une grande évolution de l’Action de l’Etat en Mer, ce qui justifierait cette fonction garde-côtes. Appréciez plutôt :
La principale innovation se situe dans la création d’un Comité directeur de la fonction garde-côtes, placé sous l’autorité du secrétaire général de la Mer. Celui-ci regroupe tous les patrons des administrations compétentes et sera désormais en charge de gérer les moyens mis à la disposition de l’action de l’Etat en mer. Comme ailleurs, l’heure est aux restrictions budgétaires. Il était donc nécessaire de rationaliser le budget des moyens employés en mer. Et, en premier lieu, de coordonner les investissements de chacune des administrations. Désormais, avant d’acheter un avion de patrouille maritime ou une vedette de surveillance, les administrations vont devoir soumettre le projet au comité directeur, qui sera chargé de constater si un moyen existant ou en projet dans une autre administration peut remplir la mission et couvrir la zone géographique envisagée.
Il s’agit ici du cœur du sujet : la fonction garde-côtes se dote d’un comité directeur. Ce dernier sera l’échelon obligatoire à consulter avant de lancer un programme ou d’acquérir un matériel dans le cadre de l’Action de l’Etat en Mer. Cela signifie qu’une rationalisation va s’opérer. Là où nous ne sommes pas d’accord avec la journaliste c’est que le but primaire n’est pas de réaliser des économies. A notre humble avis, c’est le but secondaire. L’intérêt de ce comité directeur est de centraliser la gestion des moyens (programme et matériel) que mettent en œuvre les différentes administrations (Marine Nationale, Gendarmerie Maritime, Douanes, Affaires Maritimes, etc...). Confier la gestion des moyens à une autorité unique, c’est le prélude à la mise en œuvre de ces moyens à une autorité unique.

Création d’une Marine côtière

C’est là, dans l’énoncé de cette proposition que tient toute la réflexion : confier l’intervention en Mer à une autorité unique tant pour la gestion des matériels que pour leur mise en œuvre. Ainsi, il est préconisé de créer une marine côtière au sein de la Marine Nationale. La Royale aurait pour mission de gérer ces moyens maritimes dédiés à l’Action de l’Etat en Mer. Les autres administrations précitées devront quand à elle fournir les spécialistes. Et le préfet maritime devra organiser les patrouilles et missions, faire le lien entre la Marine et les administrations pour aller intervenir en Mer.
A la Marine les moyens, aux administrations les missions.

Recréation des Forces de Haute-Mer (FHM)

L’intérêt consubstantiel de la création de cette marine côtière, c’est la recréation des Forces de Haute-Mer (FHM) aujourd’hui disparue. L’intérêt fondamental du débat sur l’Action de l’Etat en Mer, c’est justement de rationaliser cette action pour recadrer l’intérêt stratégique de la Marine Nationale, donc de la Marine de Guerre. Et on ne peut user à loisir de frégate, donc d’un navire de guerre, pour faire de la sécurité civile sur mer. Il faut donc dissocier les deux grands cœurs de métier d’une marine : l’Action de l’Etat en Mer et la Marine de Guerre. Pour autant, il ne faut pas non plus créer une séparation organique entre la marine côtière et les FHM. Au contraire, il faut faire en sorte de conserver l’unité de la Marine. C’est même une obligation.

Stratégie maritime, stratégie navale

In fine, nous appliquons la pensée de Julian S. Corbett (historien et stratège naval britannique) et l’amiral Raoul Castex (marin français et stratège naval) : repenser la stratégie navale pour la sauvegarde des communications. L’amiral Alfred Thayer Mahan a eu le tort de tout baser sur la seule bataille décisive. Or, après étude par l’amiral Raoul Castex (aidé du commentaire d’Hervé Coutau-Bégarie), elle se fait plutôt rare dans l’Histoire cette bataille décisive. Au contraire, les deux successeurs de l’amiral américain ont mis en avant l’intérêt de protéger les lignes de communications.
Notre grand modèle est le blocus naval. Ce dernier au XVIIIe siècle se réalisait schématiquement à l’aide de deux navires. Le premier était la "frégate" qui devait aller au plus près du port sous blocus pour observer et rapporter l’état des forces ennemies. Le second était le "navire de ligne", concentré avec d’autres de ses congénères au sein d’une flotte se tenant au large. La fonction des navires de ligne est, sur information d’une frégate, d’accourir pour venir détruire la flotte ennemie.
Appliquons notre modèle historique à ce qui a été dit sur les FHM et la marine côtière. Le port à bloquer dans notre modèle actuel ce sont les zones économiques exclusives. La force bloquante, c’est l’Action de l’Etat en Mer, donc l’action maritime de la France. La France possède des zones économiques exclusives et pour en tirer l’usage économique, elle doit en interdire l’accès à d’autres Etats. Alors, au lieu de bloquer la sortie de navires, il faut en prévenir l’entrée. C’est le rôle de la marine côtière et de, non pas ses frégates, mais de ses patrouilleurs de réaliser ce travail. Les navires de ligne sont tout naturellement des FHM : porte-avions, SNA, frégate AA et ASM.
Nous aurions pu présenter la chose autrement. Notre modélisation aurait dû revenir stratégiquement à ne pas faire un blocus mais un contrôle maritime. Mais nous inclinons à penser que le contrôle, le sea control est une action qui relève plutôt de la part de stratégie navale en vue d’interdire l’accès d’une zone à une marine de guerre ennemie.
Alors que notre modèle tend plus à se rapprocher du modèle fondamental d’une Marine : protéger un empire. Où est l’empire ici ? Les zones économiques exclusives. La France en a, schématiquement, l’usage exclusif. Non pas d’en tirer le profit à son seul compte, mais de choisir qui en tirera profit. C’est ce possible rapprochement avec les économies fermées des derniers empires coloniaux qui nous oblige, presque, à penser que la notion de blocus était la plus adapté pour notre modèle.

En guise de conclusion 

La création du comité directeur de la fonction garde-côtes sera un moyen puissant de rationalisation de l’Action de l’Etat en Mer, c’est presque certain. Cela en a toutes les apparences. La proposition de coiffer la Marine Nationale comme opérateur unique peut être considérée comme un développement extrême de la logique de la création du comité directeur. C’est possible mais c’est la proposition de ce numéro de la chronique. Et cette proposition tient à s’appuyer sur un modèle de stratégie navale (donc plutôt guerrier) pour mettre en œuvre la stratégie maritime de la France. La première étant la stratégie militaire, la seconde la stratégie générale dont fait partie le guerre économique. Les deux stratégies sont naturellement en interdépendances. Et il sera osé, mais nécessaire, d’affirmer que c’est par ce genre de réflexion que des programmes comme BATSIMAR pourront réussir à doter la Royale des moyens nécessaires à son action car insérés dans une stratégie maritime cohérente dotée de moyens en cohérence.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et n’engagent pas la rédaction du Portail des Sous-marins.

Notes :

[1Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur.

http://www.corlobe.tk/spip.php?article22101

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